Vers une charte des genres
Le gouvernement ne pourra faire l’économie d’une réflexion délicate sur l’identité de genre et pourrait s’inspirer du débat sur les accommodements religieux… pour éviter de répéter les erreurs du passé. Notre collaborateur en explique les implications.
Ancien conseiller politique, Pascal Mailhot plonge au cœur des enjeux d’actualité avec une connaissance intime des coulisses du pouvoir. Après avoir occupé des postes au cabinet du premier ministre du Québec pendant les mandats de Lucien Bouchard, Bernard Landry et François Legault, il est aujourd’hui vice-président de l’agence de relations publiques TACT.
Paul Saint-Pierre Plamondon a surpris le petit monde de la politique québécoise en introduisant à l’Assemblée nationale le débat sur l’identité de genre et le changement de sexe. Parmi tous les enjeux de la fin de l’été, il a fait son choix.
Pour le chef péquiste, les idéologies en provenance de la « gauche radicale » s’imposent de plus en plus dans les écoles. Il a cité en exemple la présence de toilettes mixtes, des théories d’écriture inclusive ou encore des pronoms neutres — comme le cas de la personne enseignante non binaire qui demandait à ses élèves de l’appeler Mx Martine. Ces nouvelles notions, croit le député de Camille-Laurin, devaient être débattues en commission parlementaire avant d’être intégrées dans le corpus scolaire.
Dès le lendemain, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a fait part de la décision du gouvernement de créer un « comité scientifique » voué à l’examen de ces questions. « On n’ira pas en commission parlementaire là-dessus. La raison est simple, c’est qu’on ne souhaite pas que cet enjeu-là, qui est très sensible, soit instrumentalisé à des fins partisanes », a tranché M. Drainville.
Plus qu’un simple comité Le gouvernement cherche-t-il à botter le sujet en touche ? Avant de tirer cette conclusion, attendons de voir quels seront le mandat et la composition de ce groupe de sages. L’exercice est susceptible de mener bien au-delà d’un document-guide qui existe déjà à l’intention des directions d’école et auquel elles peuvent se référer au besoin.
Après la charte des valeurs portée par Bernard Drainville en 2013 pour établir les règles concernant les signes religieux, chemine-t-on aujourd’hui vers une sorte de charte des genres ? Car à l’évidence, le débat ne disparaîtra pas de lui-même. Au contraire, il est appelé à s’imposer de plus en plus dans l’espace public. Attachez vos tuques !
Ce qui rappelle le contexte qui régnait autour de l’année 2006, lorsque la question des accommodements religieux s’est mise à prendre de l’ampleur. À l’époque gestionnaire dans un hôpital, je me souviens de la perplexité dans laquelle les professionnels de la santé et les responsables d’établissement étaient plongés quant à la manière de gérer ces situations délicates.
Parmi les exemples marquants de cette période, il y avait l’histoire d’une femme sur le point d’accoucher, dont le mari insistait pour qu’une femme médecin la prenne en charge. L’absence d’un cadre de référence clair ou de directives précises signifiait que chaque demande d’accommodement religieux était traitée de manière individuelle, la plupart du temps dans l’improvisation. Les organisations, qu’elles soient du domaine de la santé, de l’éducation ou d’autres sphères, se retrouvaient souvent prises au dépourvu, ce qui engendrait une grande confusion et des décisions qui semblaient parfois contradictoires et incohérentes.
De plus, ce débat était émotionnellement très chargé pour la population. Ces questions touchaient des valeurs fondamentales telles que la laïcité de l’État, la liberté de religion et l’égalité hommes-femmes. Certains médias montaient en épingle des cas isolés, ce qui exacerbait les susceptibilités liées aux accommodements religieux. Ces distorsions ont alimenté une crise qui a enflammé le Québec pendant des années, une dynamique mise en lumière dans le rapport de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, communément appelée la commission Bouchard-Taylor.
Risque de polarisation
« On est interpellés, nous au gouvernement, à la petite semaine, à la journée, sur chaque cas isolé dans une école, dans un gym ou autre », affirme la ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, à propos du débat sur l’identité de genre et l’inclusion des personnes trans et non binaires dans la société québécoise. « Je pense qu’il faut qu’on ouvre une réflexion pour voir qu’est-ce qu’on fait en général, mettre justement ce grand cadre. »
« Les politiciens devraient laisser ces enfants-là tranquilles », met toutefois en garde le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois. De tels sujets ne devraient pas capter l’attention du gouvernement, qui a bien d’autres priorités, ajoutent des voix médiatiques. « Une tempête dans un urinoir », a même écrit la chroniqueuse Isabelle Hachey dans La Presse,
relativement à la question de la mixité des toilettes dans les écoles.
Mais lorsque le vide politique persiste dans ces domaines délicats, les activistes de tous côtés saisissent l’occasion pour dicter leur volonté en exerçant une coercition morale, avec pour conséquence une polarisation croissante au sein de la société.
Au moment d’aborder de front la réflexion sur l’identité de genre, le gouvernement se retrouve face à un défi qui évoque inévitablement le débat passé sur les accommodements religieux. On joue précisément ici dans même le registre émotif. Et lorsque le sens commun de la population est heurté, les débats ne peuvent demeurer sans réponse.
Paul Saint-Pierre Plamondon a surpris le petit monde de la politique québécoise en introduisant à l’Assemblée nationale le débat sur l’identité de genre et le changement de sexe. Parmi tous les enjeux de la fin de l’été, il a fait son choix.
Pour le chef péquiste, les idéologies en provenance de la « gauche radicale » s’imposent de plus en plus dans les écoles. Il a cité en exemple la présence de toilettes mixtes, des théories d’écriture inclusive ou encore des pronoms neutres — comme le cas de la personne enseignante non binaire qui demandait à ses élèves de l’appeler Mx Martine. Ces nouvelles notions, croit le député de Camille-Laurin, devaient être débattues en commission parlementaire avant d’être intégrées dans le corpus scolaire.
Dès le lendemain, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a fait part de la décision du gouvernement de créer un « comité scientifique » voué à l’examen de ces questions. « On n’ira pas en commission parlementaire là-dessus. La raison est simple, c’est qu’on ne souhaite pas que cet enjeu-là, qui est très sensible, soit instrumentalisé à des fins partisanes », a tranché M. Drainville.
Plus qu’un simple comité Le gouvernement cherche-t-il à botter le sujet en touche ? Avant de tirer cette conclusion, attendons de voir quels seront le mandat et la composition de ce groupe de sages. L’exercice est susceptible de mener bien au-delà d’un document-guide qui existe déjà à l’intention des directions d’école et auquel elles peuvent se référer au besoin.
Après la charte des valeurs portée par Bernard Drainville en 2013 pour établir les règles concernant les signes religieux, chemine-t-on aujourd’hui vers une sorte de charte des genres ? Car à l’évidence, le débat ne disparaîtra pas de lui-même. Au contraire, il est appelé à s’imposer de plus en plus dans l’espace public. Attachez vos tuques !
Ce qui rappelle le contexte qui régnait autour de l’année 2006, lorsque la question des accommodements religieux s’est mise à prendre de l’ampleur. À l’époque gestionnaire dans un hôpital, je me souviens de la perplexité dans laquelle les professionnels de la santé et les responsables d’établissement étaient plongés quant à la manière de gérer ces situations délicates.
Parmi les exemples marquants de cette période, il y avait l’histoire d’une femme sur le point d’accoucher, dont le mari insistait pour qu’une femme médecin la prenne en charge. L’absence d’un cadre de référence clair ou de directives précises signifiait que chaque demande d’accommodement religieux était traitée de manière individuelle, la plupart du temps dans l’improvisation. Les organisations, qu’elles soient du domaine de la santé, de l’éducation ou d’autres sphères, se retrouvaient souvent prises au dépourvu, ce qui engendrait une grande confusion et des décisions qui semblaient parfois contradictoires et incohérentes.
De plus, ce débat était émotionnellement très chargé pour la population. Ces questions touchaient des valeurs fondamentales telles que la laïcité de l’État, la liberté de religion et l’égalité hommes-femmes. Certains médias montaient en épingle des cas isolés, ce qui exacerbait les susceptibilités liées aux accommodements religieux. Ces distorsions ont alimenté une crise qui a enflammé le Québec pendant des années, une dynamique mise en lumière dans le rapport de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, communément appelée la commission Bouchard-Taylor.
Risque de polarisation
« On est interpellés, nous au gouvernement, à la petite semaine, à la journée, sur chaque cas isolé dans une école, dans un gym ou autre », affirme la ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, à propos du débat sur l’identité de genre et l’inclusion des personnes trans et non binaires dans la société québécoise. « Je pense qu’il faut qu’on ouvre une réflexion pour voir qu’est-ce qu’on fait en général, mettre justement ce grand cadre. »
« Les politiciens devraient laisser ces enfants-là tranquilles », met toutefois en garde le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois. De tels sujets ne devraient pas capter l’attention du gouvernement, qui a bien d’autres priorités, ajoutent des voix médiatiques. « Une tempête dans un urinoir », a même écrit la chroniqueuse Isabelle Hachey dans La Presse,
relativement à la question de la mixité des toilettes dans les écoles.
Mais lorsque le vide politique persiste dans ces domaines délicats, les activistes de tous côtés saisissent l’occasion pour dicter leur volonté en exerçant une coercition morale, avec pour conséquence une polarisation croissante au sein de la société.
Au moment d’aborder de front la réflexion sur l’identité de genre, le gouvernement se retrouve face à un défi qui évoque inévitablement le débat passé sur les accommodements religieux. On joue précisément ici dans même le registre émotif. Et lorsque le sens commun de la population est heurté, les débats ne peuvent demeurer sans réponse.