Hausses salées en vue
Les loyers risquent fort de battre à nouveau des records en 2025. L’augmentation suggérée par le Tribunal administratif du logement (TAL), qui sera connue mardi prochain, sera la plus élevée des dernières décennies. La saison des augmentations de loyer s’annonce corsée.
Michel Maccabée, propriétaire d’un plex à Terrebonne
La hausse suggérée par le tribunal aux propriétaires québécois était de 4 % en 2024. Cette année, elle devrait tourner autour de 5,8 %, selon les estimations de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), qu’elle a dévoilées dans une présentation à ses membres en décembre, dont La Presse a obtenu copie.
« On se doute très bien que cette année, on va voir une augmentation encore plus importante », observe Éric Sansoucy, porte-parole de la CORPIQ, qui n’a pas voulu répéter le chiffre de 5,8 % en entrevue.
On croit ne pas se tromper en pensant que ça va être l’augmentation la plus importante des 30 dernières années.
Éric Sansoucy, porte-parole de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec
Une observation que fait également Martin Messier, président de l’Association des propriétaires du Québec (APQ).
Pour un logement de 1000 $, non chauffé et n’ayant nécessité ni travaux majeurs ni frais d’entretien, le loyer passerait ainsi à 1058 $ au renouvellement en 2025.
Ce pourcentage de 5,8 % constitue une hausse de base déterminée par le Règlement sur les critères de fixation de loyer. Celui-ci permet en plus d’augmenter le loyer selon la variation des taxes foncières et scolaires au prorata de la taille du logement. Idem pour le coût de la police d’assurance habitation du propriétaire. Naturellement, rien n’empêche un propriétaire de demander une hausse de loyer inférieure au taux suggéré.
Pour le FRAPRU, on omet volontairement une grande part de l’enjeu lorsqu’on traite la crise du logement seulement du point de vue de la rareté.
Des locataires sur les dents« C’est extrêmement inquiétant », dit Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). « On voit des gens se tourner vers des colocations plus ou moins choisies, c’est leur sécurité ou leur santé mentale, dans plusieurs cas, qui est menacée », poursuit-elle.
Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)
Annie Lapalme, du comité Entraide Logement Hochelaga-Maisonneuve, croit également qu’une telle hausse serait catastrophique et bien au-delà des capacités de payer de certains locataires.
Le FRAPRU y voit déjà une indication du défi pour l’année à venir : l’abordabilité. Pour l’organisation, on omet volontairement une grande part de l’enjeu lorsqu’on traite la crise du logement seulement du point de vue de la rareté.
Les contestations ont tripléUn locataire a le droit de refuser l’augmentation s’il considère que la hausse de son loyer est abusive.
Dans ce cas, son dossier s’ajoute aux nombreuses demandes de fixation de loyer que reçoit le TAL.
Le plus récent rapport du TAL, dont l’exercice s’est terminé en mars 2024, a dénombré 20 984 causes introduites en fixation de loyer : un record. Deux années auparavant, ce total était presque trois fois plus petit.
« Le Tribunal administratif du logement manque de moyens, ça, c’est clair », soulève Gabriel Dostaler, administrateur du comité Entraide Logement Hochelaga-Maisonneuve, qui témoigne avoir reçu un nombre grandissant d’appels après mars 2024 concernant des demandes de fixation de loyer. Un phénomène qui s’explique, à son avis, par la hauteur inédite qu’a atteinte la hausse suggérée l’an dernier.
Mais selon la CORPIQ et l’APQ, cette augmentation du nombre de demandes de fixation de loyer est également due à une incompréhension du chiffre dévoilé par le TAL : « Les gens vont retenir juste ce chiffre-là », observe Martin Messier, président de l’APQ. Cet indicateur ne comprend pas, par exemple, les logements qui ont besoin de travaux de rénovation, où une augmentation plus élevée pourrait être justifiée.
La hausse suggérée par le Tribunal administratif du logement aux propriétaires québécois était de 4 % en 2024. Cette année, elle devrait tourner autour de 5,8 %.
Le propriétaire Michel Maccabée dit se sentir pris entre l’arbre et l’écorce, car des travaux s’imposent parfois dans les logements qu’il loue, pour le bien-être de ses locataires. Mais cela implique que la facture soit plus salée, et que les locataires la refusent, auquel cas les parties doivent prendre leur mal en patience parce que le TAL est embourbé.
Le délai moyen pour obtenir une première audience au TAL, qui était de 6,9 mois en mars 2024, selon son rapport, s’étire maintenant jusqu’à 10, 11 ou 12 mois, ont rapporté les différentes organisations interrogées par La Presse.
On en arrive donc à une situation où l’avis d’augmentation de loyer de 2025 sera envoyé au locataire sans que celui-ci sache ce que le TAL aura décidé de l’augmentation de l’année précédente qu’il avait refusée.
Pourquoi la hausse est-elle si élevée ?
Le chiffre dévoilé par le TAL chaque année en janvier est une suggestion, basée sur un calcul qui prend en considération les coûts d’exploitation de l’immeuble – soit le revenu net du bâtiment et les frais d’entretien, de service et de gestion. La hausse permise par le règlement pourrait être plus basse ou plus élevée que le taux suggéré, si le loyer inclut les frais de chauffage ou encore si le logement a fait l’objet de travaux majeurs.
Mais pourquoi le taux suggéré sera-t-il aussi élevé en 2025, plus élevé même que l’inflation ? La réponse simple est que la méthode de calcul est influencée par l’inflation des années précédentes. « Les augmentations qui seront envoyées la semaine prochaine, disons pour le 1er juillet 2025, c’est en considération de données économiques de 2024 et 2023 », explique Éric Sansoucy, porte-parole de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec.
Tant les comités logements que les associations de propriétaires critiquent la formule de calcul.
C’est comme une « spirale », illustre le FRAPRU, qui souhaite une révision des méthodes de calcul. « Le coût des logements contribue de façon importante à l’inflation en général. Et finalement, parce qu’il y a de l’inflation, l’estimation moyenne augmente de façon importante », déplore la porte-parole de l’organisation, Véronique Laflamme.
- Cette année, la hausse suggérée des loyers atteindra probablement un sommet inégalé en 30 ans, à près de 6 %. Le TAL dévoilera sa suggestion le 21 janvier prochain ;
- Le taux suggéré par le Tribunal l’an dernier, soit une augmentation de 4 %, était déjà élevé sur une base historique ;
- Conséquence : le nombre de demandes de fixation explose et le TAL est embourbé. Locataires et propriétaires peuvent attendre maintenant plus de 10 mois avant d’être entendus par un régisseur.
Michel Maccabée, propriétaire d’un plex à Terrebonne
La hausse suggérée par le tribunal aux propriétaires québécois était de 4 % en 2024. Cette année, elle devrait tourner autour de 5,8 %, selon les estimations de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), qu’elle a dévoilées dans une présentation à ses membres en décembre, dont La Presse a obtenu copie.
« On se doute très bien que cette année, on va voir une augmentation encore plus importante », observe Éric Sansoucy, porte-parole de la CORPIQ, qui n’a pas voulu répéter le chiffre de 5,8 % en entrevue.
On croit ne pas se tromper en pensant que ça va être l’augmentation la plus importante des 30 dernières années.
Éric Sansoucy, porte-parole de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec
Une observation que fait également Martin Messier, président de l’Association des propriétaires du Québec (APQ).
Pour un logement de 1000 $, non chauffé et n’ayant nécessité ni travaux majeurs ni frais d’entretien, le loyer passerait ainsi à 1058 $ au renouvellement en 2025.
Ce pourcentage de 5,8 % constitue une hausse de base déterminée par le Règlement sur les critères de fixation de loyer. Celui-ci permet en plus d’augmenter le loyer selon la variation des taxes foncières et scolaires au prorata de la taille du logement. Idem pour le coût de la police d’assurance habitation du propriétaire. Naturellement, rien n’empêche un propriétaire de demander une hausse de loyer inférieure au taux suggéré.
Pour le FRAPRU, on omet volontairement une grande part de l’enjeu lorsqu’on traite la crise du logement seulement du point de vue de la rareté.
Des locataires sur les dents« C’est extrêmement inquiétant », dit Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). « On voit des gens se tourner vers des colocations plus ou moins choisies, c’est leur sécurité ou leur santé mentale, dans plusieurs cas, qui est menacée », poursuit-elle.
Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)
Annie Lapalme, du comité Entraide Logement Hochelaga-Maisonneuve, croit également qu’une telle hausse serait catastrophique et bien au-delà des capacités de payer de certains locataires.
Le FRAPRU y voit déjà une indication du défi pour l’année à venir : l’abordabilité. Pour l’organisation, on omet volontairement une grande part de l’enjeu lorsqu’on traite la crise du logement seulement du point de vue de la rareté.
Les contestations ont tripléUn locataire a le droit de refuser l’augmentation s’il considère que la hausse de son loyer est abusive.
Dans ce cas, son dossier s’ajoute aux nombreuses demandes de fixation de loyer que reçoit le TAL.
Le plus récent rapport du TAL, dont l’exercice s’est terminé en mars 2024, a dénombré 20 984 causes introduites en fixation de loyer : un record. Deux années auparavant, ce total était presque trois fois plus petit.
« Le Tribunal administratif du logement manque de moyens, ça, c’est clair », soulève Gabriel Dostaler, administrateur du comité Entraide Logement Hochelaga-Maisonneuve, qui témoigne avoir reçu un nombre grandissant d’appels après mars 2024 concernant des demandes de fixation de loyer. Un phénomène qui s’explique, à son avis, par la hauteur inédite qu’a atteinte la hausse suggérée l’an dernier.
Mais selon la CORPIQ et l’APQ, cette augmentation du nombre de demandes de fixation de loyer est également due à une incompréhension du chiffre dévoilé par le TAL : « Les gens vont retenir juste ce chiffre-là », observe Martin Messier, président de l’APQ. Cet indicateur ne comprend pas, par exemple, les logements qui ont besoin de travaux de rénovation, où une augmentation plus élevée pourrait être justifiée.
La hausse suggérée par le Tribunal administratif du logement aux propriétaires québécois était de 4 % en 2024. Cette année, elle devrait tourner autour de 5,8 %.
Le propriétaire Michel Maccabée dit se sentir pris entre l’arbre et l’écorce, car des travaux s’imposent parfois dans les logements qu’il loue, pour le bien-être de ses locataires. Mais cela implique que la facture soit plus salée, et que les locataires la refusent, auquel cas les parties doivent prendre leur mal en patience parce que le TAL est embourbé.
Le délai moyen pour obtenir une première audience au TAL, qui était de 6,9 mois en mars 2024, selon son rapport, s’étire maintenant jusqu’à 10, 11 ou 12 mois, ont rapporté les différentes organisations interrogées par La Presse.
On en arrive donc à une situation où l’avis d’augmentation de loyer de 2025 sera envoyé au locataire sans que celui-ci sache ce que le TAL aura décidé de l’augmentation de l’année précédente qu’il avait refusée.
Pourquoi la hausse est-elle si élevée ?
Le chiffre dévoilé par le TAL chaque année en janvier est une suggestion, basée sur un calcul qui prend en considération les coûts d’exploitation de l’immeuble – soit le revenu net du bâtiment et les frais d’entretien, de service et de gestion. La hausse permise par le règlement pourrait être plus basse ou plus élevée que le taux suggéré, si le loyer inclut les frais de chauffage ou encore si le logement a fait l’objet de travaux majeurs.
Mais pourquoi le taux suggéré sera-t-il aussi élevé en 2025, plus élevé même que l’inflation ? La réponse simple est que la méthode de calcul est influencée par l’inflation des années précédentes. « Les augmentations qui seront envoyées la semaine prochaine, disons pour le 1er juillet 2025, c’est en considération de données économiques de 2024 et 2023 », explique Éric Sansoucy, porte-parole de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec.
Tant les comités logements que les associations de propriétaires critiquent la formule de calcul.
C’est comme une « spirale », illustre le FRAPRU, qui souhaite une révision des méthodes de calcul. « Le coût des logements contribue de façon importante à l’inflation en général. Et finalement, parce qu’il y a de l’inflation, l’estimation moyenne augmente de façon importante », déplore la porte-parole de l’organisation, Véronique Laflamme.