La loi 21 sur la laïcité et l’avenir du Québec
La contestation juridique entreprise contre la Loi sur la laïcité adoptée à l’Assemblée nationale du Québec le 16 juin 2019 s’annonce un moment fort dans les rapports Canada-Québec. Sous des dehors d’une simple atteinte présumée aux droits de ferventes croyantes islamistes se joue une lutte entre deux conceptions de laïcité, celle d’une « culture de société » anglophone et celle d’une « culture de société » francophone, pour reprendre l’expression du philosophe canadien-anglais Will Kymlicka (La voie canadienne. Repenser le multiculturalisme, Boréal, 2003).
L’importance de cette affaire tient au fait que s’y trame un travail de sape à la reconnaissance du Québec comme société distincte. Il ne serait pas étonnant que cette cause atteigne la Cour suprême et que l’essence du Canada de 1982 soit remise en cause.
Un premier imbroglio que cette affaire va révéler, c’est que la laïcité « à la québécoise » que reflète la loi 21 va heurter le multiculturalisme « à la canadienne ». Ce dernier s’est imposé dans la Constitution canadienne de 1982 pour reconnaître l’apport de l’immigration au Canada. La laïcité québécoise est plutôt une victoire à l’arraché d’une société qui s’est extirpée de peine et de misère de l’emprise du clergé sur ses principales institutions à partir de la fin du XIXe siècle. C’est ce qui explique que, dans les écoles québécoises de l’avenir, on veut éviter le prosélytisme. Il n’est pas demandé à la personne qui enseigne de renier ses croyances, mais d’en tempérer l’ardeur dans sa salle de classe.
Qu’on appelle cela le vivre ensemble bien compris, le respect des autres ou un devoir de réserve, il y va de la qualité de la vie démocratique d’éviter de heurter l’autre dans la mesure du possible.
Un second imbroglio à surmonter est le caractère d’épouvantail qu’a pris la loi 21. Cette Loi sur la laïcité n’a rien d’une mesure extrême. Elle sera, somme toute, d’application restreinte. Elle ne vise que quelques individus, lorsqu’ils sont au travail dans une position d’autorité coercitive, qui auraient voulu afficher leurs convictions religieuses. Dans la rue, ces mêmes personnes pourront continuer à porter qui un turban, qui une kippa, qui quelque signe religieux ostentatoire que ce soit.
Marge de manœuvre québécoise
Le troisième imbroglio de cette loi tient au fait qu’à chaque étape du processus judiciaire va se poser avec une nouvelle acuité la marge de manœuvre du Québec dans la fédération canadienne. Le Québec peut-il se comporter différemment du reste du Canada sur certaines questions qui touchent son identité ? Une réforme de la Constitution est-elle possible pour en tenir compte ? Le Canada anglais a-t-il fermé toutes les portes ? On le croyait si on s’en tient au dernier acte, la Déclaration de Calgary en 1997. Comme en 1982, la nation sise au Québec tombe dans les interstices de ces textes de refondation, comme l’a décortiqué le sociologue Simon Langlois (Refondations nationales au Canada et au Québec, Septentrion, 2018).
Un quatrième imbroglio laisse supposer que cette loi 21 ne vise qu’une catégorie de citoyens et ne cible qu’une religion. Or, cette loi est générale et s’applique à toute religion, même la catholique.
Elle risque cependant d’alimenter l’islamophobie pour deux raisons : les protagonistes, du moins pour l’instant, sont musulmans. Et ce qui n’aide pas, selon un spécialiste de la religion islamique, l’universitaire Malek Chebel : « [Il y a] un dogme coriace et aussi ancien que l’islam lui-même : la non-distinction entre le temporel et le religieux, et, partant, la volonté des théologies à vouloir se mêler de politique. » (L’islam en 100 questions, Tallandier, 2019). Qui risque d’être taxé d’intolérance dans un tel contexte ?
Devant ce vacarme à venir, il faut espérer un sursaut chez les Québécois nationalistes, tétanisés depuis la défaite amère au référendum de 1995. Il leur faut redresser l’échine, démontrer que c’est une loi inclusive et égalitaire et qu’elle s’inscrit dans les champs de compétence conférés au Québec de par la Constitution. La loi 21 protège contre l’intégrisme religieux
et sert en fin de compte la démocratie et l’harmonie sociale.
Un premier imbroglio que cette affaire va révéler, c’est que la laïcité « à la québécoise » que reflète la loi 21 va heurter le multiculturalisme « à la canadienne ». Ce dernier s’est imposé dans la Constitution canadienne de 1982 pour reconnaître l’apport de l’immigration au Canada. La laïcité québécoise est plutôt une victoire à l’arraché d’une société qui s’est extirpée de peine et de misère de l’emprise du clergé sur ses principales institutions à partir de la fin du XIXe siècle. C’est ce qui explique que, dans les écoles québécoises de l’avenir, on veut éviter le prosélytisme. Il n’est pas demandé à la personne qui enseigne de renier ses croyances, mais d’en tempérer l’ardeur dans sa salle de classe.
Qu’on appelle cela le vivre ensemble bien compris, le respect des autres ou un devoir de réserve, il y va de la qualité de la vie démocratique d’éviter de heurter l’autre dans la mesure du possible.
Un second imbroglio à surmonter est le caractère d’épouvantail qu’a pris la loi 21. Cette Loi sur la laïcité n’a rien d’une mesure extrême. Elle sera, somme toute, d’application restreinte. Elle ne vise que quelques individus, lorsqu’ils sont au travail dans une position d’autorité coercitive, qui auraient voulu afficher leurs convictions religieuses. Dans la rue, ces mêmes personnes pourront continuer à porter qui un turban, qui une kippa, qui quelque signe religieux ostentatoire que ce soit.
Marge de manœuvre québécoise
Le troisième imbroglio de cette loi tient au fait qu’à chaque étape du processus judiciaire va se poser avec une nouvelle acuité la marge de manœuvre du Québec dans la fédération canadienne. Le Québec peut-il se comporter différemment du reste du Canada sur certaines questions qui touchent son identité ? Une réforme de la Constitution est-elle possible pour en tenir compte ? Le Canada anglais a-t-il fermé toutes les portes ? On le croyait si on s’en tient au dernier acte, la Déclaration de Calgary en 1997. Comme en 1982, la nation sise au Québec tombe dans les interstices de ces textes de refondation, comme l’a décortiqué le sociologue Simon Langlois (Refondations nationales au Canada et au Québec, Septentrion, 2018).
Un quatrième imbroglio laisse supposer que cette loi 21 ne vise qu’une catégorie de citoyens et ne cible qu’une religion. Or, cette loi est générale et s’applique à toute religion, même la catholique.
Elle risque cependant d’alimenter l’islamophobie pour deux raisons : les protagonistes, du moins pour l’instant, sont musulmans. Et ce qui n’aide pas, selon un spécialiste de la religion islamique, l’universitaire Malek Chebel : « [Il y a] un dogme coriace et aussi ancien que l’islam lui-même : la non-distinction entre le temporel et le religieux, et, partant, la volonté des théologies à vouloir se mêler de politique. » (L’islam en 100 questions, Tallandier, 2019). Qui risque d’être taxé d’intolérance dans un tel contexte ?
Devant ce vacarme à venir, il faut espérer un sursaut chez les Québécois nationalistes, tétanisés depuis la défaite amère au référendum de 1995. Il leur faut redresser l’échine, démontrer que c’est une loi inclusive et égalitaire et qu’elle s’inscrit dans les champs de compétence conférés au Québec de par la Constitution. La loi 21 protège contre l’intégrisme religieux
et sert en fin de compte la démocratie et l’harmonie sociale.
LaPresse
Maurice Angers
Sociologue et essayiste
https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-01-05/la-loi-21-sur-la-laicite-et-l-avenir-du-quebec.php
Maurice Angers
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