Le sexe de nos anges
Dans un service de garde de Montréal, un jour de mars, une dizaine d’enfants de cinq ans reçoivent une invitée spéciale venue leur parler de genre. Comment sait-on qu’on est une fille ou un garçon ? Les parents sont invités. Une mère enregistre.
« Les filles sont des filles et les garçons sont des garçons à cause de nos cellules », répond une enfant.
« C’est vrai qu’il y a une partie qu’on dit biologique ou génétique qui fait de toi un garçon ou une fille, répond l’intervenante. Après ça, comment, toi, tu le sais, personnellement, que tu es un garçon ou une fille ? »
Une enfant tente de l’éclairer. À l’accouchement, « les docteurs, ils savent si c’est un garçon ou une fille. Pour un garçon, ils le mettent dans une serviette en bleu, pour une fille, la serviette est rose ».
S’ensuit une discussion sur les préférences de couleurs. L’intervenante les recentre : « La question […], c’est personnellement, comment tu le sais […] que tu es un garçon ou une fille ? »
« Parce qu’on n’a pas de pénis ! crie une petite fille. Mais on va pas montrer notre vulve à tout le monde ! »
L’intervenante insiste : « Si je te dis, est-ce que tu es un garçon ou une fille, et est-ce que tu y crois vraiment fort, comment tu le sais ? »
« J’ai pas de pénis ! » crie à nouveau la fillette.
Ce n’est pas compliqué. Mais ça devient lassant. Les enfants s’ennuient et le disent clairement. L’intervenante n’est pas prête à abdiquer. « Qu’est-ce qui fait que tu es une fille ? C’est parce que tu te sens une fille. […] T’as pas besoin de me le prouver, je te crois. […] C’est un sentiment qui est à l’intérieur de toi. » Et à la volée : « Donc […], c’est quoi le plus important ? »
Ils n’ont que cinq ans, mais ils ne sont pas des tarés. Ils ont compris ce que veut l’intervenante. Une enfant répond : « Que tu le sentes en toi. » Bingo ! « C’est vraiment une belle réponse », dit l’intervenante.
La mission est accomplie. Ces enfants croyaient qu’on était fille ou garçon parce qu’on était nés ainsi. Ils le pensent sans doute toujours. Mais ils viennent de comprendre qu’une figure d’autorité insiste pour qu’ils distinguent la biologie et le
sentiment intérieur. Ils n’ont pas fini de l’entendre.
La théorie du genre devenue certitudeDepuis quelques années, nos enfants, à partir de l’âge de quatre ans et pendant tout leur parcours préscolaire, primaire et secondaire, apprennent que les sexes n’existent pas. Qu’il y a une infinité de possibilités et de choix, non seulement pour l’orientation sexuelle et l’identité de genre, mais aussi pour le sexe lui-même.
Vous en prenez peut-être conscience ici, mais ce n’est pas un secret. En ligne, le document « Thèmes et apprentissages sur l’éducation à la sexualité », de 695 pages, explique aux enseignants que « les enfants peuvent commencer à explorer leur identité de genre entre 3 et 7 ans. […] Ils se demandent pourquoi leur sexe attribué à la naissance diffère de l’identité de genre qu’ils ressentent en eux ». Voyez, le sexe est « attribué à la naissance ». Il n’est pas constaté. Il n’existe pas en soi.
La théorie des genres suscite débats et colloques dans les milieux universitaires, mais il semble que pour les pédagogues du ministère de l’Éducation, la question soit réglée. Ils ont construit le cursus autour de la certitude que cette théorie est la bonne et la seule indiquée pour consommation en bas âge.
On trouve ainsi dans le document des suggestions de livres « pour le préscolaire et le primaire abordant notamment l’hétérosexisme, les stéréotypes, la transidentité ». Des thèmes, contes et illustrations présentent le sexe biologique non comme un fait,
mais comme une « infinité de possibilités ».
La mère d’une élève de Saint-Hyacinthe me raconte qu’une professeure a informé ses élèves qu’il est possible d’amorcer une transition sexuelle à partir de l’âge de 14 ans sans le consentement des parents, bien que celui-ci soit fortement suggéré, et que cette transition est remboursée par l’assurance maladie. La mère a porté plainte. L’école a répondu que le cours était en tout point conforme aux directives. Ce qui est parfaitement exact : « Le respect de la confidentialité est d’une importance capitale », écrit le ministère.
Il n’y a pas de types, que des stéréotypesLes pédagogues mettent l’accent sur les stéréotypes masculins et féminins et les tares qui en émanent, comme l’hétérosexisme, l’hétéronormativité et le privilège hétéro. Rien cependant sur les « types » masculins ou féminins qui, nourris dans une culture d’ouverture, pourraient être des vecteurs d’affirmation. Dans la section pour les 8 à 11 ans, on lit : « Ces stéréotypes, en plus de présenter les genres féminins et masculins comme des réalités binaires et différentes, contribuent à diviser plutôt qu’à rallier les garçons et les filles. […] L’exposition répétée […] contribue à l’adoption d’attitudes et de croyances sexistes qui, à leur tour, nuisent à l’établissement
de rapports harmonieux entre eux. »
Un autre document du ministère, « Contenus détaillés en éducation à la sexualité », recommande en 1re secondaire « d’accompagner la réflexion [des élèves] sur leur identité de genre et sur certains effets nuisibles des versions traditionnelles de la masculinité et de la féminité ». On cherche en vain le paragraphe valorisant « certains effets positifs » de la masculinité et de la féminité.
La négation de la légitimité d’une affirmation sexuelle féminine ou masculine assumée induit-elle des « rapports harmonieux » ? Pas selon cette mère, universitaire, qui m’écrit au sujet de son fils de 3e secondaire : « Cet enseignement n’a pas eu un effet positif sur lui. D’abord, il a été ostracisé par son professeur et ses camarades lorsqu’il a osé le remettre en question. Ensuite, cela l’a rendu angoissé par rapport à sa propre masculinité, et il a développé un grand besoin d’affirmation de celle-ci. »
Un enseignant de Montréal raconte : « J’ai assisté à l’un des cours donnés par des intervenantes [externes] à une de mes classes du secondaire. Même si le sujet n’était pas sur l’identité de genre (cette séance portait sur les maladies transmises sexuellement), […] [elles] n’ont jamais prononcé les mots “homme” ou “femme”, ou “fille” ou “garçon”. Ces mots étaient remplacés par “personne avec un utérus” et “personne sans utérus”. C’était très étrange. »
Des effets perversIl n’est pas question de remettre en cause l’effort salutaire déployé pour que nos futurs citoyens développent tolérance et respect par le biais de ces cours. Ni de nier l’existence de dysphorie de genre chez une infime minorité d’enfants et d’adolescents (moins de 1 % selon Statistique Canada). Nous sommes ailleurs : dans la diffusion d’une théorie qui affirme comme vraie, normale et préférable la dissociation entre le sexe biologique et l’identité. Que ce discours aille à rebours de l’expérience de l’immense majorité des humains et puisse avoir des effets pervers sur le développement de nos enfants n’est pas pris en compte.
Un homme gai, intervenant pendant huit ans au Groupe de recherche en intervention sociale (GRIS), Jean-René Jeffrey, rapporte qu’il témoignait dans les écoles du fait qu’il s’habillait en fille à l’adolescence, mais qu’il a graduellement abandonné cette envie et est désormais heureux dans son corps d’homme. Il a été prié de cesser ces formations au moment où le GRIS a introduit des conférenciers trans.
Il s’est ouvert au GRIS de sa vive inquiétude : « La présence d’intervenants trans susceptibles de présenter, ou de suggérer, dans des écoles primaires et secondaires, la transition comme solution à la dysphorie de genre est une décision qui comporte un niveau de risques élevé pour certains élèves, et particulièrement pour les élèves dysphoriques. On ne peut, ni ne doit, présenter ou suggérer la transition (prise de bloqueurs de puberté, prise d’hormone et réassignation génitale) à des groupes de personnes mineures sans risquer de nuire à ceux qui, parmi eux, sont dysphoriques, mais dont la problématique se résoudrait d’elle-même (85 % des personnes) ni à des personnes fragiles (les 15 % qui restent). »
Une intervenante d’un organisme jeunesse en Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine m’écrit avoir reçu une femme trans du GRIS. « Ma gang de filles (7-8 jeunes de 13 ans) est venue nous voir quelques jours après son intervention. Elles m’ont expliqué le plus sérieusement du monde qu’elles devaient être des garçons. Les raisons : elles aiment la pêche (c’est assez commun sur la côte), la chasse, faire du VTT, elles n’aiment pas le maquillage et trouvaient ça trop difficile d’être des filles. »
Aucune n’a donné suite à cette soudaine envie. L’enseignante a contacté la conférencière pour l’aviser que « son discours avait une réelle influence sur les jeunes et que ça dépassait largement le simple fait de parler de son expérience à elle de femme trans. [La conférencière] m’a expliqué que mon discours était transphobe ».
La question de l’attitude à adopter lorsqu’un enfant, baignant dans ce discours, décide de modifier son identité de genre est clairement établie dans un document de 2021 du ministère de l’Éducation « Pour une meilleure prise en compte de la diversité sexuelle et de genre » : « L’auto-identification est la seule façon de déterminer l’identité de genre d’une personne. »
On lit bien que les jeunes peuvent avoir des comportements changeants sur leur identité et leur orientation, mais pas que bon nombre traversent des phases d’identification diverses, puis assument sereinement leur genre et leur sexe d’origine. Rien non plus qui incite les enseignants à faire preuve de prudence — et à la conseiller. Au contraire, les directives contiennent cet avertissement, en vertu des modifications apportées à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne : « Le refus intentionnel ou persistant de respecter l’identité ou l’expression de genre de l’élève trans ou non binaire peut être considéré comme une forme de harcèlement ou de discrimination susceptible d’entraîner des conséquences légales ».
L’enseignant montréalais précité témoigne : « Dans mon école, il y a plusieurs “enfants trans”. La plupart sont des jeunes filles. Chaque année, depuis trois ans, il y en a de plus en plus, et ils sont de plus en plus jeunes. » Il enchaîne : « Savais-tu qu’au CSSDM, un enfant peut décider de changer son prénom pour celui d’un autre sexe, sans en aviser ses parents ? » Les enseignants sont tenus de l’utiliser, poursuit-il. « Parfois, on nous demande de continuer à utiliser l’ancien prénom lors des communications avec leurs parents, car ces derniers ne sont pas au courant. »
De nouvelles normesUn point de bascule a donc été franchi entre la volonté d’accepter, d’apprécier, voire de célébrer la diversité des expériences sexuelles, toujours nécessaire, et la diffusion d’une idéologie en rupture avec le passé. Une théorie qui met à l’avant-plan la queernormativité selon laquelle la différence entre sexe « attribué » à la naissance et un autre choix d’identité de genre est établie et valorisée.
De même, pour les enfants à l’identité de genre incertaine, nous sommes en présence d’une transnormativité présentant à des enfants prépubères l’expérience trans, y compris médicale, y compris sans le consentement parental, comme préférable au prolongement de la recherche de soi jusqu’à l’âge adulte.
Je comprends que ce virage, majeur, a été introduit au moment où le Québec entier plaidait pour la réintroduction de l’éducation sexuelle dans les écoles. Mais une partie du contenu de cette réintroduction a été adoptée, je le présume, dans le respect des étapes de rigueur, sans que les élus et, certainement, sans que le public et les parents aient pris pleinement conscience de sa signification et de ses conséquences.
Je sais que le ministre de l’Éducation en a plein les bras par les temps qui courent. Mais à l’heure où l’on s’apprête à reconduire cette pédagogie hasardeuse au sein du nouveau cours Citoyenneté québécoise, je n’ai qu’un mot à lui dire : pause !
« Les filles sont des filles et les garçons sont des garçons à cause de nos cellules », répond une enfant.
« C’est vrai qu’il y a une partie qu’on dit biologique ou génétique qui fait de toi un garçon ou une fille, répond l’intervenante. Après ça, comment, toi, tu le sais, personnellement, que tu es un garçon ou une fille ? »
Une enfant tente de l’éclairer. À l’accouchement, « les docteurs, ils savent si c’est un garçon ou une fille. Pour un garçon, ils le mettent dans une serviette en bleu, pour une fille, la serviette est rose ».
S’ensuit une discussion sur les préférences de couleurs. L’intervenante les recentre : « La question […], c’est personnellement, comment tu le sais […] que tu es un garçon ou une fille ? »
« Parce qu’on n’a pas de pénis ! crie une petite fille. Mais on va pas montrer notre vulve à tout le monde ! »
L’intervenante insiste : « Si je te dis, est-ce que tu es un garçon ou une fille, et est-ce que tu y crois vraiment fort, comment tu le sais ? »
« J’ai pas de pénis ! » crie à nouveau la fillette.
Ce n’est pas compliqué. Mais ça devient lassant. Les enfants s’ennuient et le disent clairement. L’intervenante n’est pas prête à abdiquer. « Qu’est-ce qui fait que tu es une fille ? C’est parce que tu te sens une fille. […] T’as pas besoin de me le prouver, je te crois. […] C’est un sentiment qui est à l’intérieur de toi. » Et à la volée : « Donc […], c’est quoi le plus important ? »
Ils n’ont que cinq ans, mais ils ne sont pas des tarés. Ils ont compris ce que veut l’intervenante. Une enfant répond : « Que tu le sentes en toi. » Bingo ! « C’est vraiment une belle réponse », dit l’intervenante.
La mission est accomplie. Ces enfants croyaient qu’on était fille ou garçon parce qu’on était nés ainsi. Ils le pensent sans doute toujours. Mais ils viennent de comprendre qu’une figure d’autorité insiste pour qu’ils distinguent la biologie et le
sentiment intérieur. Ils n’ont pas fini de l’entendre.
La théorie du genre devenue certitudeDepuis quelques années, nos enfants, à partir de l’âge de quatre ans et pendant tout leur parcours préscolaire, primaire et secondaire, apprennent que les sexes n’existent pas. Qu’il y a une infinité de possibilités et de choix, non seulement pour l’orientation sexuelle et l’identité de genre, mais aussi pour le sexe lui-même.
Vous en prenez peut-être conscience ici, mais ce n’est pas un secret. En ligne, le document « Thèmes et apprentissages sur l’éducation à la sexualité », de 695 pages, explique aux enseignants que « les enfants peuvent commencer à explorer leur identité de genre entre 3 et 7 ans. […] Ils se demandent pourquoi leur sexe attribué à la naissance diffère de l’identité de genre qu’ils ressentent en eux ». Voyez, le sexe est « attribué à la naissance ». Il n’est pas constaté. Il n’existe pas en soi.
La théorie des genres suscite débats et colloques dans les milieux universitaires, mais il semble que pour les pédagogues du ministère de l’Éducation, la question soit réglée. Ils ont construit le cursus autour de la certitude que cette théorie est la bonne et la seule indiquée pour consommation en bas âge.
On trouve ainsi dans le document des suggestions de livres « pour le préscolaire et le primaire abordant notamment l’hétérosexisme, les stéréotypes, la transidentité ». Des thèmes, contes et illustrations présentent le sexe biologique non comme un fait,
mais comme une « infinité de possibilités ».
La mère d’une élève de Saint-Hyacinthe me raconte qu’une professeure a informé ses élèves qu’il est possible d’amorcer une transition sexuelle à partir de l’âge de 14 ans sans le consentement des parents, bien que celui-ci soit fortement suggéré, et que cette transition est remboursée par l’assurance maladie. La mère a porté plainte. L’école a répondu que le cours était en tout point conforme aux directives. Ce qui est parfaitement exact : « Le respect de la confidentialité est d’une importance capitale », écrit le ministère.
Il n’y a pas de types, que des stéréotypesLes pédagogues mettent l’accent sur les stéréotypes masculins et féminins et les tares qui en émanent, comme l’hétérosexisme, l’hétéronormativité et le privilège hétéro. Rien cependant sur les « types » masculins ou féminins qui, nourris dans une culture d’ouverture, pourraient être des vecteurs d’affirmation. Dans la section pour les 8 à 11 ans, on lit : « Ces stéréotypes, en plus de présenter les genres féminins et masculins comme des réalités binaires et différentes, contribuent à diviser plutôt qu’à rallier les garçons et les filles. […] L’exposition répétée […] contribue à l’adoption d’attitudes et de croyances sexistes qui, à leur tour, nuisent à l’établissement
de rapports harmonieux entre eux. »
Un autre document du ministère, « Contenus détaillés en éducation à la sexualité », recommande en 1re secondaire « d’accompagner la réflexion [des élèves] sur leur identité de genre et sur certains effets nuisibles des versions traditionnelles de la masculinité et de la féminité ». On cherche en vain le paragraphe valorisant « certains effets positifs » de la masculinité et de la féminité.
La négation de la légitimité d’une affirmation sexuelle féminine ou masculine assumée induit-elle des « rapports harmonieux » ? Pas selon cette mère, universitaire, qui m’écrit au sujet de son fils de 3e secondaire : « Cet enseignement n’a pas eu un effet positif sur lui. D’abord, il a été ostracisé par son professeur et ses camarades lorsqu’il a osé le remettre en question. Ensuite, cela l’a rendu angoissé par rapport à sa propre masculinité, et il a développé un grand besoin d’affirmation de celle-ci. »
Un enseignant de Montréal raconte : « J’ai assisté à l’un des cours donnés par des intervenantes [externes] à une de mes classes du secondaire. Même si le sujet n’était pas sur l’identité de genre (cette séance portait sur les maladies transmises sexuellement), […] [elles] n’ont jamais prononcé les mots “homme” ou “femme”, ou “fille” ou “garçon”. Ces mots étaient remplacés par “personne avec un utérus” et “personne sans utérus”. C’était très étrange. »
Des effets perversIl n’est pas question de remettre en cause l’effort salutaire déployé pour que nos futurs citoyens développent tolérance et respect par le biais de ces cours. Ni de nier l’existence de dysphorie de genre chez une infime minorité d’enfants et d’adolescents (moins de 1 % selon Statistique Canada). Nous sommes ailleurs : dans la diffusion d’une théorie qui affirme comme vraie, normale et préférable la dissociation entre le sexe biologique et l’identité. Que ce discours aille à rebours de l’expérience de l’immense majorité des humains et puisse avoir des effets pervers sur le développement de nos enfants n’est pas pris en compte.
Un homme gai, intervenant pendant huit ans au Groupe de recherche en intervention sociale (GRIS), Jean-René Jeffrey, rapporte qu’il témoignait dans les écoles du fait qu’il s’habillait en fille à l’adolescence, mais qu’il a graduellement abandonné cette envie et est désormais heureux dans son corps d’homme. Il a été prié de cesser ces formations au moment où le GRIS a introduit des conférenciers trans.
Il s’est ouvert au GRIS de sa vive inquiétude : « La présence d’intervenants trans susceptibles de présenter, ou de suggérer, dans des écoles primaires et secondaires, la transition comme solution à la dysphorie de genre est une décision qui comporte un niveau de risques élevé pour certains élèves, et particulièrement pour les élèves dysphoriques. On ne peut, ni ne doit, présenter ou suggérer la transition (prise de bloqueurs de puberté, prise d’hormone et réassignation génitale) à des groupes de personnes mineures sans risquer de nuire à ceux qui, parmi eux, sont dysphoriques, mais dont la problématique se résoudrait d’elle-même (85 % des personnes) ni à des personnes fragiles (les 15 % qui restent). »
Une intervenante d’un organisme jeunesse en Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine m’écrit avoir reçu une femme trans du GRIS. « Ma gang de filles (7-8 jeunes de 13 ans) est venue nous voir quelques jours après son intervention. Elles m’ont expliqué le plus sérieusement du monde qu’elles devaient être des garçons. Les raisons : elles aiment la pêche (c’est assez commun sur la côte), la chasse, faire du VTT, elles n’aiment pas le maquillage et trouvaient ça trop difficile d’être des filles. »
Aucune n’a donné suite à cette soudaine envie. L’enseignante a contacté la conférencière pour l’aviser que « son discours avait une réelle influence sur les jeunes et que ça dépassait largement le simple fait de parler de son expérience à elle de femme trans. [La conférencière] m’a expliqué que mon discours était transphobe ».
La question de l’attitude à adopter lorsqu’un enfant, baignant dans ce discours, décide de modifier son identité de genre est clairement établie dans un document de 2021 du ministère de l’Éducation « Pour une meilleure prise en compte de la diversité sexuelle et de genre » : « L’auto-identification est la seule façon de déterminer l’identité de genre d’une personne. »
On lit bien que les jeunes peuvent avoir des comportements changeants sur leur identité et leur orientation, mais pas que bon nombre traversent des phases d’identification diverses, puis assument sereinement leur genre et leur sexe d’origine. Rien non plus qui incite les enseignants à faire preuve de prudence — et à la conseiller. Au contraire, les directives contiennent cet avertissement, en vertu des modifications apportées à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne : « Le refus intentionnel ou persistant de respecter l’identité ou l’expression de genre de l’élève trans ou non binaire peut être considéré comme une forme de harcèlement ou de discrimination susceptible d’entraîner des conséquences légales ».
L’enseignant montréalais précité témoigne : « Dans mon école, il y a plusieurs “enfants trans”. La plupart sont des jeunes filles. Chaque année, depuis trois ans, il y en a de plus en plus, et ils sont de plus en plus jeunes. » Il enchaîne : « Savais-tu qu’au CSSDM, un enfant peut décider de changer son prénom pour celui d’un autre sexe, sans en aviser ses parents ? » Les enseignants sont tenus de l’utiliser, poursuit-il. « Parfois, on nous demande de continuer à utiliser l’ancien prénom lors des communications avec leurs parents, car ces derniers ne sont pas au courant. »
De nouvelles normesUn point de bascule a donc été franchi entre la volonté d’accepter, d’apprécier, voire de célébrer la diversité des expériences sexuelles, toujours nécessaire, et la diffusion d’une idéologie en rupture avec le passé. Une théorie qui met à l’avant-plan la queernormativité selon laquelle la différence entre sexe « attribué » à la naissance et un autre choix d’identité de genre est établie et valorisée.
De même, pour les enfants à l’identité de genre incertaine, nous sommes en présence d’une transnormativité présentant à des enfants prépubères l’expérience trans, y compris médicale, y compris sans le consentement parental, comme préférable au prolongement de la recherche de soi jusqu’à l’âge adulte.
Je comprends que ce virage, majeur, a été introduit au moment où le Québec entier plaidait pour la réintroduction de l’éducation sexuelle dans les écoles. Mais une partie du contenu de cette réintroduction a été adoptée, je le présume, dans le respect des étapes de rigueur, sans que les élus et, certainement, sans que le public et les parents aient pris pleinement conscience de sa signification et de ses conséquences.
Je sais que le ministre de l’Éducation en a plein les bras par les temps qui courent. Mais à l’heure où l’on s’apprête à reconduire cette pédagogie hasardeuse au sein du nouveau cours Citoyenneté québécoise, je n’ai qu’un mot à lui dire : pause !