Les vertus médicales du cannabis :
toujours en attente de preuves
En parcourant les sites Web qui vendent des produits à base de cannabis, vous lirez probablement que cette drogue soulage les douleurs chroniques, l’arthrite et de nombreuses autres affections. Mais ne vous attendez pas à trouver des preuves cliniques étayant cette affirmation.
Stephanie Keeling est rhumatologue et professeure de médecine à l’Université de l’Alberta. Elle participe actuellement au programme Certificate in Health Impact de l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto.
Quatre ans après la légalisation du cannabis, la base de données des essais cliniques du gouvernement fédéral à Santé Canada ne témoigne pas d’une forte recherche active pour évaluer ses prétendues propriétés médicinales. Cette lacune frustre de nombreux chercheurs, qui disent que les cultivateurs, les transformateurs et les vendeurs de cannabis au Canada ne sont guère incités à financer de rigoureuses analyses pharmaceutiques de leurs allégations.
Selon les chercheurs, l’industrie se contente plutôt de vendre ses produits en respectant les exigences
moins strictes qui encadrent le marché de la consommation récréative.
« Les producteurs de cannabis ne manifestent aucune volonté de soutenir l’accès médical », selon Mary-Ann Fitzcharles, professeure agrégée de médecine à l’Université McGill et chercheuse de premier plan dans le domaine de la douleur. Elle ajoute que les premiers espoirs de partenariat entre l’industrie et les chercheurs pour mener les études nécessaires se sont évanouis.
Cette absence de données ne permet pas aux patients qui tentent de soulager leurs maux — ni à leurs médecins — de vérifier l’exactitude des affirmations des entreprises liées au cannabis et de certains groupes de défense des malades. Les études citées par ces entreprises pour appuyer leurs dires ne sont pas des essais cliniques, il s’agit principalement d’enquêtes auprès de patients et d’études d’observation souvent conduites par les entreprises elles-mêmes, ce qui peut entraîner un biais considérable. Environ 400 000 Canadiens ont actuellement une autorisation de consommation de cannabis à des fins médicales délivrée par leur médecin, et l’on croit
que de nombreuses autres personnes en font le même usage.
Mais il n’existe pas encore de données sur son efficacité ou ses dommages potentiels.
La communauté scientifique attribue cet échec à diverses raisons. La légalisation du cannabis au Canada en 2018 a ouvert la porte à des collaborations entre les chercheurs et l’industrie pour enfin tester ses propriétés médicinales en utilisant l’étalon de référence : les essais cliniques. Cependant, le cannabis est classé comme un médicament en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, il doit donc se conformer aux bonnes pratiques de fabrication de Santé Canada pour répondre invariablement aux normes de qualité. Pour les entreprises du secteur, ce processus de recherche est plus compliqué et plus coûteux que la démarche, moins difficile, visant à obtenir l’autorisation de commercialiser le cannabis à des fins récréatives. Même si un chercheur souhaitait acheter légalement du cannabis auprès d’un fournisseur local et le tester, il devrait revenir au point de départ et effectuer de nombreuses autres études pour réussir à déposer une demande
d’essai clinique auprès de Santé Canada pour cette forme de cannabis.
Les chercheurs soulignent également que les études peuvent être entravées par la complexité des ingrédients qui composent les produits du cannabis, notamment les quantités très variables de tétrahydrocannabinol (THC), la substance chimique qui fait planer.
Mais ils reprochent aussi à Santé Canada de ne pas avoir rationalisé de manière proactive le processus d’essais cliniques sur le cannabis tout en garantissant des normes de qualité. L’année dernière, plus de 200 cliniciens et scientifiques ont écrit une lettre ouverte à Santé Canada pour demander une révision du processus réglementaire actuel.
Jusqu’à présent, les choses n’ont guère bougé sur ce front. Quelques retouches ont permis à une poignée de chercheurs d’obtenir plus facilement des licences de recherche et l’autorisation de commencer à mener des études sur le cannabis dans certaines situations, par exemple lorsqu’il existe des données de sécurité adéquates pour les humains.
Cela ne suffit toutefois pas à accorder la priorité aux études sur le cannabis dont les chercheurs disent avoir besoin, car la plupart des produits de cannabis candidats doivent encore faire l’objet d’études précliniques et de sécurité approfondies.
« Une voie distincte pour les produits de cannabis sur ordonnance n’est pas envisagée pour l’instant », a déclaré Tammy Jarbeau, conseillère principale en relations avec les médias pour Santé Canada. Un examen obligatoire de la Loi sur le cannabis, qui devait commencer en octobre 2021, est prévu sous peu, selon Mme Jarbeau. On ne sait pas si cet examen portera sur les moyens d’améliorer la réglementation de Santé Canada encadrant les études sur le cannabis.
Quatre ans après la légalisation du cannabis, la base de données des essais cliniques du gouvernement fédéral à Santé Canada ne témoigne pas d’une forte recherche active pour évaluer ses prétendues propriétés médicinales. Cette lacune frustre de nombreux chercheurs, qui disent que les cultivateurs, les transformateurs et les vendeurs de cannabis au Canada ne sont guère incités à financer de rigoureuses analyses pharmaceutiques de leurs allégations.
Selon les chercheurs, l’industrie se contente plutôt de vendre ses produits en respectant les exigences
moins strictes qui encadrent le marché de la consommation récréative.
« Les producteurs de cannabis ne manifestent aucune volonté de soutenir l’accès médical », selon Mary-Ann Fitzcharles, professeure agrégée de médecine à l’Université McGill et chercheuse de premier plan dans le domaine de la douleur. Elle ajoute que les premiers espoirs de partenariat entre l’industrie et les chercheurs pour mener les études nécessaires se sont évanouis.
Cette absence de données ne permet pas aux patients qui tentent de soulager leurs maux — ni à leurs médecins — de vérifier l’exactitude des affirmations des entreprises liées au cannabis et de certains groupes de défense des malades. Les études citées par ces entreprises pour appuyer leurs dires ne sont pas des essais cliniques, il s’agit principalement d’enquêtes auprès de patients et d’études d’observation souvent conduites par les entreprises elles-mêmes, ce qui peut entraîner un biais considérable. Environ 400 000 Canadiens ont actuellement une autorisation de consommation de cannabis à des fins médicales délivrée par leur médecin, et l’on croit
que de nombreuses autres personnes en font le même usage.
Mais il n’existe pas encore de données sur son efficacité ou ses dommages potentiels.
La communauté scientifique attribue cet échec à diverses raisons. La légalisation du cannabis au Canada en 2018 a ouvert la porte à des collaborations entre les chercheurs et l’industrie pour enfin tester ses propriétés médicinales en utilisant l’étalon de référence : les essais cliniques. Cependant, le cannabis est classé comme un médicament en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, il doit donc se conformer aux bonnes pratiques de fabrication de Santé Canada pour répondre invariablement aux normes de qualité. Pour les entreprises du secteur, ce processus de recherche est plus compliqué et plus coûteux que la démarche, moins difficile, visant à obtenir l’autorisation de commercialiser le cannabis à des fins récréatives. Même si un chercheur souhaitait acheter légalement du cannabis auprès d’un fournisseur local et le tester, il devrait revenir au point de départ et effectuer de nombreuses autres études pour réussir à déposer une demande
d’essai clinique auprès de Santé Canada pour cette forme de cannabis.
Les chercheurs soulignent également que les études peuvent être entravées par la complexité des ingrédients qui composent les produits du cannabis, notamment les quantités très variables de tétrahydrocannabinol (THC), la substance chimique qui fait planer.
Mais ils reprochent aussi à Santé Canada de ne pas avoir rationalisé de manière proactive le processus d’essais cliniques sur le cannabis tout en garantissant des normes de qualité. L’année dernière, plus de 200 cliniciens et scientifiques ont écrit une lettre ouverte à Santé Canada pour demander une révision du processus réglementaire actuel.
Jusqu’à présent, les choses n’ont guère bougé sur ce front. Quelques retouches ont permis à une poignée de chercheurs d’obtenir plus facilement des licences de recherche et l’autorisation de commencer à mener des études sur le cannabis dans certaines situations, par exemple lorsqu’il existe des données de sécurité adéquates pour les humains.
Cela ne suffit toutefois pas à accorder la priorité aux études sur le cannabis dont les chercheurs disent avoir besoin, car la plupart des produits de cannabis candidats doivent encore faire l’objet d’études précliniques et de sécurité approfondies.
« Une voie distincte pour les produits de cannabis sur ordonnance n’est pas envisagée pour l’instant », a déclaré Tammy Jarbeau, conseillère principale en relations avec les médias pour Santé Canada. Un examen obligatoire de la Loi sur le cannabis, qui devait commencer en octobre 2021, est prévu sous peu, selon Mme Jarbeau. On ne sait pas si cet examen portera sur les moyens d’améliorer la réglementation de Santé Canada encadrant les études sur le cannabis.
La lenteur de la réponse du gouvernement est décourageante, estime James MacKillop, professeur de psychiatrie et de neurosciences comportementales et directeur du Centre Michael G. DeGroote pour la recherche sur le cannabis médicinal de l’Université McMaster. « J’aurais aimé que l’on permette l’évaluation des vertus thérapeutiques des produits légalement vendus aux Canadiens », dit MacKillop. « Pourquoi ne pas créer une voie pour évaluer si les produits que les Canadiens consomment sont efficaces ou non ? »
Les entreprises liées au cannabis partagent la frustration qu’engendre la façon dont les études sont conduites au Canada. Certaines d’entre elles, telle Canopy Growth Corporation, située en Ontario, affirment faire des essais dans d’autres pays, y compris, depuis quelques années, aux États-Unis, où des lois fédérales comme le Farm Bill permettent aux établissements universitaires de mener
plus facilement des études sur les effets du cannabis sur la santé.
Mais l’industrie reconnaît que les forts vents contraires financiers dans le secteur du cannabis, qui ont poussé certaines entreprises à mettre la clé sous la porte et d’autres à fusionner pour survivre, ont détourné l’attention et les ressources de la recherche clinique,
ralentissant l’accumulation de preuves solides.
« Les entreprises comme Canopy doivent définir leurs priorités — où investir leur argent et où mettre leur énergie », explique Mark Ware, médecin en chef à Canopy Growth Corporation. À l’instar d’autres entreprises du secteur au Canada, dit-il, Canopy s’est concentrée davantage sur l’aspect commercial que sur la recherche médicale. « Au moment où nous étions aux prises avec ces problèmes, l’entreprise a procédé à certaines réorganisations et a redéfini ses stratégies ; l’idée de poursuivre la mise au point de produits pharmaceutiques
n’était pas une priorité à ce moment-là », affirme Mark Ware.
Les patients, quant à eux, ne peuvent pas espérer de réponses claires de la part des organismes de défense de leurs droits. Les informations sur le cannabis figurant sur le site Web de la Société de l’arthrite sont commanditées par des entreprises comme Spectrum Therapeutics, une société pharmaceutique appartenant à Canopy Growth. Le site Web de Spectrum Therapeutics indique qu’elle fournit « des produits médicaux à base de cannabis pour améliorer la vie des patients dans le monde entier ».
Le site de la Société de l’arthrite consacre plusieurs pages à l’utilisation médicale du cannabis pour le contrôle de la douleur, présentant des informations sur tous les sujets, de la manière d’y accéder aux webinaires en ligne organisés par des médecins — et commandités par des producteurs de cannabis tels que Harvest Medicine et Canna Farms.
Siân Bevan, directrice générale du volet scientifique à la Société de l’arthrite, n’est pas insensible au manque de données probantes. Elle souligne que la Société de l’arthrite finance la recherche sur le cannabis pour combler ce vide, mais qu’entre-temps, elle doit aider les nombreux Canadiens qui utilisent déjà le cannabis pour soulager leurs douleurs. « Les gens veulent comprendre ce que nous savons et ce que nous ne savons pas, et nous pouvons fournir cette plateforme aux personnes qui viennent nous voir
pour obtenir des informations », explique Siân Bevan.
Les chercheurs insistent sur le fait que seules les données probantes issues des essais cliniques peuvent lever cette incertitude. « Il me semble que nous devrions faire tout notre possible pour évaluer les avantages et les inconvénients
[de l’utilisation médicale du cannabis] », déclare James MacKillop.
Les entreprises liées au cannabis partagent la frustration qu’engendre la façon dont les études sont conduites au Canada. Certaines d’entre elles, telle Canopy Growth Corporation, située en Ontario, affirment faire des essais dans d’autres pays, y compris, depuis quelques années, aux États-Unis, où des lois fédérales comme le Farm Bill permettent aux établissements universitaires de mener
plus facilement des études sur les effets du cannabis sur la santé.
Mais l’industrie reconnaît que les forts vents contraires financiers dans le secteur du cannabis, qui ont poussé certaines entreprises à mettre la clé sous la porte et d’autres à fusionner pour survivre, ont détourné l’attention et les ressources de la recherche clinique,
ralentissant l’accumulation de preuves solides.
« Les entreprises comme Canopy doivent définir leurs priorités — où investir leur argent et où mettre leur énergie », explique Mark Ware, médecin en chef à Canopy Growth Corporation. À l’instar d’autres entreprises du secteur au Canada, dit-il, Canopy s’est concentrée davantage sur l’aspect commercial que sur la recherche médicale. « Au moment où nous étions aux prises avec ces problèmes, l’entreprise a procédé à certaines réorganisations et a redéfini ses stratégies ; l’idée de poursuivre la mise au point de produits pharmaceutiques
n’était pas une priorité à ce moment-là », affirme Mark Ware.
Les patients, quant à eux, ne peuvent pas espérer de réponses claires de la part des organismes de défense de leurs droits. Les informations sur le cannabis figurant sur le site Web de la Société de l’arthrite sont commanditées par des entreprises comme Spectrum Therapeutics, une société pharmaceutique appartenant à Canopy Growth. Le site Web de Spectrum Therapeutics indique qu’elle fournit « des produits médicaux à base de cannabis pour améliorer la vie des patients dans le monde entier ».
Le site de la Société de l’arthrite consacre plusieurs pages à l’utilisation médicale du cannabis pour le contrôle de la douleur, présentant des informations sur tous les sujets, de la manière d’y accéder aux webinaires en ligne organisés par des médecins — et commandités par des producteurs de cannabis tels que Harvest Medicine et Canna Farms.
Siân Bevan, directrice générale du volet scientifique à la Société de l’arthrite, n’est pas insensible au manque de données probantes. Elle souligne que la Société de l’arthrite finance la recherche sur le cannabis pour combler ce vide, mais qu’entre-temps, elle doit aider les nombreux Canadiens qui utilisent déjà le cannabis pour soulager leurs douleurs. « Les gens veulent comprendre ce que nous savons et ce que nous ne savons pas, et nous pouvons fournir cette plateforme aux personnes qui viennent nous voir
pour obtenir des informations », explique Siân Bevan.
Les chercheurs insistent sur le fait que seules les données probantes issues des essais cliniques peuvent lever cette incertitude. « Il me semble que nous devrions faire tout notre possible pour évaluer les avantages et les inconvénients
[de l’utilisation médicale du cannabis] », déclare James MacKillop.
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