L’essor de la magie
Astrologie, rituels sacrés, tarologie… Les sciences occultes et autres techniques divinatoires ont le vent en poupe. Entre peur de l’avenir et pensée magique, d’où vient ce besoin d’explorer l’extraordinaire ?
Vous vous agacez que le 31 octobre soit désormais voué à fêter Halloween ? Ça n’est rien, il faut désormais compter avec Samhain.
Cette année, ce fut une déferlante pour honorer cette fête celte, remise au goût du jour depuis quelques années. Après des débuts timides, Samhain s’est imposée comme une tendance lourde sur Twitter, et encore plus Instagram. Nombre d’influenceuses y ont multiplié les propositions de « rituels » pour célébrer comme il se doit l’entrée dans le sombre hiver. Le tout sur fond de sauge, bougie, psalmodies et autres papiers brûlés… manipulés par des (jeunes) femmes qui ressemblent plus à des top models qu’à des vieillardes effrayantes.
Car depuis le très sérieux ouvrage de Mona Chollet[i], on ne compte plus non plus les livres consacrés aux sorcières. S’il l’on saisit cette occurrence dans le moteur de recherche d’un site de libraire, on obtient plus de 10 000 résultats, du livre pour enfant en passant par le cahier pratique, jusqu’au grimoire, façon sorts… Il s’y mêle une littérature abondante sur le féminin sacré, les femmes puissantes et autres prophétesses… Féministes avant l’heure ou détentrices de pouvoirs mystérieux, ces femmes et leurs pratiques fascinent. Et la lune et ses phases les accompagnent dans toutes les étapes de leur vie. Abonnez-vous à une newsletter dédiée, et vous recevrez chaque semaine des idées de rituel pour célébrer notre astre satellite.
Que dire de l’astrologie ? Elle ne s’étale plus que sur la dernière page des quotidiens de bistrot. Elle séduit désormais de plus en plus de jeunes, comme le montrent, par exemple, un récent article de Version Fémina (Comment les millennials sont-ils devenus accros à l’astrologie) et un documentaire que Martin Weill sur TMC a consacré au retour des (jeunes) sorcier(e)s et autres pythies modernes.
Le développement personnel fait désormais figure d’ancêtre totalement dépassé. Aujourd’hui, on recherche du merveilleux en tout, y compris dans des techniques bien éloignées de nos cultures : numérologie, lithothérapie, chamanisme, lecture de runes ou d’oracles (une autre tendance lourde au rayon cartes, avec le tarot)… Les formations pullulent pour s’initier à ces techniques en un week-end ou une année.
Cet essor n’est visiblement pas prêt de s’arrêter. Les éditions Leduc, jusqu’ici spécialisées dans la santé au naturel et le bien-être ont récemment lancé « Leduc Eso », une branche dédiée uniquement à ce type d’ouvrages.
Rien d’effrayant dans tout cela, car les magicien(ne)s version 21ème siècle ne font plus peur : ils prennent le métro comme vous et moi et mettent la magie, l’extraordinaire ou les savoirs oubliés à la portée de tous, les rendant accessibles et ludiques. Qui plus est, il s’agit souvent de gentils sorts, de rituels positifs ou d’introspection pour trouver son « chemin de vie » ou parfaire la connaissance de soi.
Un besoin de merveilleux
Alors, on pourrait se contenter d’y voir un ramassis de balivernes réservé aux naïfs ou aux simples d’esprit. Ceci serait bien réducteur.
Notre époque en appelle visiblement à un supplément d’âme, une quête de merveilleux, une volonté de transcendance, quand la réalité nous rappelle à tant de matérialité et de contraintes. Bloqués dans des quotidiens banals ou sans perspectives rapides, l’extraordinaire ouvre une porte à l’évasion et à la réassurance. Car les religions n’ont plus l’apanage de la spiritualité. Un sondage de l’Ifop (Le rapport des Français à la religion), paru en septembre dernier montre que 51% des Français ne croient pas en Dieu. Les scandales qui ont secoué l’Eglise catholique n’ont pas dû arranger les choses…
Dans un monde souvent incompréhensible, la magie redonne sans doute du sens, et peut-être même une motivation. Elle exalte notre besoin de mystère. Ces rituels mettent de la structure et laissent croire que l’on peut reprendre la main sur ce qui nous échappe, comme une manière de reprendre les rênes sur notre vie. Souvent inspirés de la nature, ils sont en cohésion avec une recherche de ce qui est essentiel, voire fondamental : un retour à une forme de simplicité, dans la communion avec les éléments. On ressent le besoin d’être connecté au grand tout, ou à ce qui relie les humains entre eux, au-delà de leurs différences ou nationalités.
De tous temps, les hommes ont scruté le ciel. Pour le comprendre ou y trouver des solutions – ou même simplement pour rêver. Et je ne peux m’empêcher de penser que le succès de Thomas Pesquet – notre frenchie astronaute qui a posté régulièrement des photos de la Terre vue de l’ISS – doit aussi à cette envie d’avoir la tête dans les étoiles. Et cette prise de recul est sans doute salutaire dans notre perception de la fragilité de l’environnement.
Observer et veiller
Car le risque, ce sont bien évidemment les dérives. On pense d’abord à la dépendance que cela peut créer. Certains ne font rien sans l’avis de leur astrologue, qui devient un influenceur, dans le sens strict du terme. Catherine de Médicis, Richelieu ou le tsar Nicolas II ont régné en s’appuyant sur les conseils de mages – avec les conséquences que l’on connaît.
Ces techniques attirent aussi nombre de manipulateurs et autres organisations sectaires, prompts à vendre des formations et à abuser de la faiblesse d’autrui. Ceci a existé de tous temps, quels que soient les moyens utilisés. D’ailleurs en cas de doute – pour soi ou pour un proche – la Miviludes[ii] peut être de bon conseil.
L’autre point gênant réside dans une tentation d’interrogation de l’avenir. Les interprétations mènent facilement aux prédictions, qui obèrent le discernement et privent chacun de son libre arbitre. C’est un risque réel, alimenté par cette tendance que nous avons tous à nous en remettre à une forme de pensée magique. Espérer c’est bien, attendre que le merveilleux survienne peut s’avérer long et forcément décevant, faisant retomber des étoiles à la terre.
Mais si l’on garde les pieds sur terre, manipuler quelques cartes ou lancer des cailloux ne peut pas faire de mal.
[i] Sorcières, la puissance invaincue des femmes, Zones, 2018
[ii] Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires. Pour obtenir un avis de la Miviludes : https://contacts-demarches.interieur.gouv.fr/miviludes/obtenir-l-avis-de-la-miviludes/
Cette année, ce fut une déferlante pour honorer cette fête celte, remise au goût du jour depuis quelques années. Après des débuts timides, Samhain s’est imposée comme une tendance lourde sur Twitter, et encore plus Instagram. Nombre d’influenceuses y ont multiplié les propositions de « rituels » pour célébrer comme il se doit l’entrée dans le sombre hiver. Le tout sur fond de sauge, bougie, psalmodies et autres papiers brûlés… manipulés par des (jeunes) femmes qui ressemblent plus à des top models qu’à des vieillardes effrayantes.
Car depuis le très sérieux ouvrage de Mona Chollet[i], on ne compte plus non plus les livres consacrés aux sorcières. S’il l’on saisit cette occurrence dans le moteur de recherche d’un site de libraire, on obtient plus de 10 000 résultats, du livre pour enfant en passant par le cahier pratique, jusqu’au grimoire, façon sorts… Il s’y mêle une littérature abondante sur le féminin sacré, les femmes puissantes et autres prophétesses… Féministes avant l’heure ou détentrices de pouvoirs mystérieux, ces femmes et leurs pratiques fascinent. Et la lune et ses phases les accompagnent dans toutes les étapes de leur vie. Abonnez-vous à une newsletter dédiée, et vous recevrez chaque semaine des idées de rituel pour célébrer notre astre satellite.
Que dire de l’astrologie ? Elle ne s’étale plus que sur la dernière page des quotidiens de bistrot. Elle séduit désormais de plus en plus de jeunes, comme le montrent, par exemple, un récent article de Version Fémina (Comment les millennials sont-ils devenus accros à l’astrologie) et un documentaire que Martin Weill sur TMC a consacré au retour des (jeunes) sorcier(e)s et autres pythies modernes.
Le développement personnel fait désormais figure d’ancêtre totalement dépassé. Aujourd’hui, on recherche du merveilleux en tout, y compris dans des techniques bien éloignées de nos cultures : numérologie, lithothérapie, chamanisme, lecture de runes ou d’oracles (une autre tendance lourde au rayon cartes, avec le tarot)… Les formations pullulent pour s’initier à ces techniques en un week-end ou une année.
Cet essor n’est visiblement pas prêt de s’arrêter. Les éditions Leduc, jusqu’ici spécialisées dans la santé au naturel et le bien-être ont récemment lancé « Leduc Eso », une branche dédiée uniquement à ce type d’ouvrages.
Rien d’effrayant dans tout cela, car les magicien(ne)s version 21ème siècle ne font plus peur : ils prennent le métro comme vous et moi et mettent la magie, l’extraordinaire ou les savoirs oubliés à la portée de tous, les rendant accessibles et ludiques. Qui plus est, il s’agit souvent de gentils sorts, de rituels positifs ou d’introspection pour trouver son « chemin de vie » ou parfaire la connaissance de soi.
Un besoin de merveilleux
Alors, on pourrait se contenter d’y voir un ramassis de balivernes réservé aux naïfs ou aux simples d’esprit. Ceci serait bien réducteur.
Notre époque en appelle visiblement à un supplément d’âme, une quête de merveilleux, une volonté de transcendance, quand la réalité nous rappelle à tant de matérialité et de contraintes. Bloqués dans des quotidiens banals ou sans perspectives rapides, l’extraordinaire ouvre une porte à l’évasion et à la réassurance. Car les religions n’ont plus l’apanage de la spiritualité. Un sondage de l’Ifop (Le rapport des Français à la religion), paru en septembre dernier montre que 51% des Français ne croient pas en Dieu. Les scandales qui ont secoué l’Eglise catholique n’ont pas dû arranger les choses…
Dans un monde souvent incompréhensible, la magie redonne sans doute du sens, et peut-être même une motivation. Elle exalte notre besoin de mystère. Ces rituels mettent de la structure et laissent croire que l’on peut reprendre la main sur ce qui nous échappe, comme une manière de reprendre les rênes sur notre vie. Souvent inspirés de la nature, ils sont en cohésion avec une recherche de ce qui est essentiel, voire fondamental : un retour à une forme de simplicité, dans la communion avec les éléments. On ressent le besoin d’être connecté au grand tout, ou à ce qui relie les humains entre eux, au-delà de leurs différences ou nationalités.
De tous temps, les hommes ont scruté le ciel. Pour le comprendre ou y trouver des solutions – ou même simplement pour rêver. Et je ne peux m’empêcher de penser que le succès de Thomas Pesquet – notre frenchie astronaute qui a posté régulièrement des photos de la Terre vue de l’ISS – doit aussi à cette envie d’avoir la tête dans les étoiles. Et cette prise de recul est sans doute salutaire dans notre perception de la fragilité de l’environnement.
Observer et veiller
- Si les cercles de femmes renforcent la sororité et la confiance en soi, quel mal à cela ?
- Si les rituels offrent de l’apaisement, en quoi est-ce gênant ?
- Si les affirmations positives donnent de l’assurance, pourquoi s’en priver ? Émile Coué, il y a plus d’un siècle découvrait la force d’une phrase et d’une pensée positive – c’est d’ailleurs ce qui lui a permis de mettre en évidence l’effet placebo.
- Et si les oracles aident à comprendre notre part cachée – inconsciente – pourquoi s’en priver ? Le psychanalyste C.G. Jung, très attaché à la puissance des symboles comme expression de l’indicible, n’y verrait sans doute pas grand-chose à redire. A chacun de se faire son opinion, dès lors que nul n’y est contraint.
Car le risque, ce sont bien évidemment les dérives. On pense d’abord à la dépendance que cela peut créer. Certains ne font rien sans l’avis de leur astrologue, qui devient un influenceur, dans le sens strict du terme. Catherine de Médicis, Richelieu ou le tsar Nicolas II ont régné en s’appuyant sur les conseils de mages – avec les conséquences que l’on connaît.
Ces techniques attirent aussi nombre de manipulateurs et autres organisations sectaires, prompts à vendre des formations et à abuser de la faiblesse d’autrui. Ceci a existé de tous temps, quels que soient les moyens utilisés. D’ailleurs en cas de doute – pour soi ou pour un proche – la Miviludes[ii] peut être de bon conseil.
L’autre point gênant réside dans une tentation d’interrogation de l’avenir. Les interprétations mènent facilement aux prédictions, qui obèrent le discernement et privent chacun de son libre arbitre. C’est un risque réel, alimenté par cette tendance que nous avons tous à nous en remettre à une forme de pensée magique. Espérer c’est bien, attendre que le merveilleux survienne peut s’avérer long et forcément décevant, faisant retomber des étoiles à la terre.
Mais si l’on garde les pieds sur terre, manipuler quelques cartes ou lancer des cailloux ne peut pas faire de mal.
[i] Sorcières, la puissance invaincue des femmes, Zones, 2018
[ii] Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires. Pour obtenir un avis de la Miviludes : https://contacts-demarches.interieur.gouv.fr/miviludes/obtenir-l-avis-de-la-miviludes/
Regards protestants
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