Meech, prise 2
Est-ce que François Legault avait vraiment pensé que son gouvernement pouvait proposer d’amender la Constitution canadienne pour y inscrire des références à la « nation » québécoise et au français comme langue officielle et commune du Québec sans susciter une levée de boucliers dans le reste du Canada ? Que l’article 159 du projet de loi 96 ne serait pas perçu au Canada anglais comme un cheval de Troie accordant au Québec un statut spécial ?
« La proposition d’enchâsser une déclaration que les Québécois forment une nation dans la constitution nationale relève du vieux débat autour de la reconnaissance du Québec comme une société distincte. Cela pourrait avoir toutes sortes de conséquences en ce qui a trait à l’interprétation des lois et à la façon dont elles s’appliquent à cette province. Cela, à son tour, affecterait les autres provinces », lisait-on cette semaine dans un éditorial du Toronto Star.
En incluant sa proposition de modifier la Loi constitutionnelle de 1867 dans son projet de loi sur la langue, M. Legault a réveillé un vieux réflexe au Canada anglais que l’on avait soupçonné, à tort, de s’être atrophié depuis les débats constitutionnels des années 1980 et 1990.
M. Legault a beau avoir reçu la bénédiction du premier ministre Justin Trudeau pour son plan d’amender un article de la Constitution canadienne qui ne s’applique qu’au Québec, la plupart des experts consultés par les médias du Canada anglais ont émis de sérieuses réserves sur la démarche du gouvernement caquiste.
Certains chroniqueurs de journaux l’ont carrément qualifiée d’irrecevable. Ceux qui se sont opposés à l’accord du lac Meech s’apprêtent maintenant à reprendre le flambeau pour faire échouer le projet de M. Legault.
Et ce n’est pas qu’au Canada anglais que l’opposition se mobilise. Dans une chronique publiée dans The Gazette, et reprise dans les journaux de Postmedia à travers le pays, l’ancien éditorialiste en chef de La Presse et sénateur André Pratte — pourtant favorable à la reconnaissance constitutionnelle de la spécificité québécoise — n’y est pas allé de main morte en accusant M. Trudeau d’avoir « capitulé » devant les demandes de M. Legault. « Justin Trudeau a effectivement indiqué cette semaine que la province du Québec peut écrire n’importe quoi dans la Constitution et il ne lèvera pas le petit doigt contre lui », a écrit M. Pratte en qualifiant la démarche caquiste de « subterfuge unilatéral ».
Il prévoit une longue bataille judiciaire si le Québec adopte le projet de loi 96 avec l’article 159 intact, ce qui risquerait de rouvrir « les plaies que l’on avait espérées fermées ».
Éviter une autre chicane constitutionnelle
Il est évident que tous les chefs fédéralistes à Ottawa cherchent à éviter une autre chicane constitutionnelle, et non seulement pour des raisons électoralistes. Ils reconnaissent le danger qui guetterait le pays en relançant le débat constitutionnel sans avoir préparé le terrain.
Les démarches qu’a faites M. Legault auprès de ses homologues provinciaux afin de leur expliquer son projet semblent avoir porté fruit. Mais ce n’est qu’une question de temps avant que des députés provinciaux et fédéraux d’arrière-ban brisent le silence pour exprimer leur désaccord avec la modification proposée par M. Legault.
C’est d’ailleurs le pari que fait le chef du Bloc québécois en promettant de déposer une motion à la Chambre des communes visant à mesurer l’appui des élus fédéraux aux propos de M. Trudeau voulant que le Québec a le droit de modifier tout seul les articles de la Constitution canadienne qui ne s’appliquent qu’à la province. « On s’attend à ce que ça fasse débat au sein du Canada »,
a déclaré cette semaine le chef bloquiste.
Que feront les députés libéraux du Québec qui représentent des circonscriptions à forte densité anglophone ? La présidente du Quebec Community Groups Network, l’ancienne députée libérale fédérale Marlene Jennings, a qualifié la proposition caquiste de
« coup de massue constitutionnel ».
Dans une lettre adressée cette semaine au ministre de la Justice et député montréalais David Lametti, Mme Jennings a affirmé que l’amendement proposé « met en péril les droits constitutionnels des minorités linguistiques ainsi que l’intégrité de l’architecture constitutionnelle ». Elle demande que la modification proposée soit soumise dès maintenant à la Cour suprême du Canada
pour déterminer sa constitutionnalité.
On doit s’attendre à ce que d’autres voix s’ajoutent à celle de Mme Jennings dans les semaines à venir. L’appui de M. Trudeau sera ainsi testé. Il aurait sans doute préféré se passer du défi que M. Legault vient de lui lancer. La façon dont il le relève pourrait s’avérer déterminante autant pour lui que pour le pays tout entier.
« La proposition d’enchâsser une déclaration que les Québécois forment une nation dans la constitution nationale relève du vieux débat autour de la reconnaissance du Québec comme une société distincte. Cela pourrait avoir toutes sortes de conséquences en ce qui a trait à l’interprétation des lois et à la façon dont elles s’appliquent à cette province. Cela, à son tour, affecterait les autres provinces », lisait-on cette semaine dans un éditorial du Toronto Star.
En incluant sa proposition de modifier la Loi constitutionnelle de 1867 dans son projet de loi sur la langue, M. Legault a réveillé un vieux réflexe au Canada anglais que l’on avait soupçonné, à tort, de s’être atrophié depuis les débats constitutionnels des années 1980 et 1990.
M. Legault a beau avoir reçu la bénédiction du premier ministre Justin Trudeau pour son plan d’amender un article de la Constitution canadienne qui ne s’applique qu’au Québec, la plupart des experts consultés par les médias du Canada anglais ont émis de sérieuses réserves sur la démarche du gouvernement caquiste.
Certains chroniqueurs de journaux l’ont carrément qualifiée d’irrecevable. Ceux qui se sont opposés à l’accord du lac Meech s’apprêtent maintenant à reprendre le flambeau pour faire échouer le projet de M. Legault.
Et ce n’est pas qu’au Canada anglais que l’opposition se mobilise. Dans une chronique publiée dans The Gazette, et reprise dans les journaux de Postmedia à travers le pays, l’ancien éditorialiste en chef de La Presse et sénateur André Pratte — pourtant favorable à la reconnaissance constitutionnelle de la spécificité québécoise — n’y est pas allé de main morte en accusant M. Trudeau d’avoir « capitulé » devant les demandes de M. Legault. « Justin Trudeau a effectivement indiqué cette semaine que la province du Québec peut écrire n’importe quoi dans la Constitution et il ne lèvera pas le petit doigt contre lui », a écrit M. Pratte en qualifiant la démarche caquiste de « subterfuge unilatéral ».
Il prévoit une longue bataille judiciaire si le Québec adopte le projet de loi 96 avec l’article 159 intact, ce qui risquerait de rouvrir « les plaies que l’on avait espérées fermées ».
Éviter une autre chicane constitutionnelle
Il est évident que tous les chefs fédéralistes à Ottawa cherchent à éviter une autre chicane constitutionnelle, et non seulement pour des raisons électoralistes. Ils reconnaissent le danger qui guetterait le pays en relançant le débat constitutionnel sans avoir préparé le terrain.
Les démarches qu’a faites M. Legault auprès de ses homologues provinciaux afin de leur expliquer son projet semblent avoir porté fruit. Mais ce n’est qu’une question de temps avant que des députés provinciaux et fédéraux d’arrière-ban brisent le silence pour exprimer leur désaccord avec la modification proposée par M. Legault.
C’est d’ailleurs le pari que fait le chef du Bloc québécois en promettant de déposer une motion à la Chambre des communes visant à mesurer l’appui des élus fédéraux aux propos de M. Trudeau voulant que le Québec a le droit de modifier tout seul les articles de la Constitution canadienne qui ne s’appliquent qu’à la province. « On s’attend à ce que ça fasse débat au sein du Canada »,
a déclaré cette semaine le chef bloquiste.
Que feront les députés libéraux du Québec qui représentent des circonscriptions à forte densité anglophone ? La présidente du Quebec Community Groups Network, l’ancienne députée libérale fédérale Marlene Jennings, a qualifié la proposition caquiste de
« coup de massue constitutionnel ».
Dans une lettre adressée cette semaine au ministre de la Justice et député montréalais David Lametti, Mme Jennings a affirmé que l’amendement proposé « met en péril les droits constitutionnels des minorités linguistiques ainsi que l’intégrité de l’architecture constitutionnelle ». Elle demande que la modification proposée soit soumise dès maintenant à la Cour suprême du Canada
pour déterminer sa constitutionnalité.
On doit s’attendre à ce que d’autres voix s’ajoutent à celle de Mme Jennings dans les semaines à venir. L’appui de M. Trudeau sera ainsi testé. Il aurait sans doute préféré se passer du défi que M. Legault vient de lui lancer. La façon dont il le relève pourrait s’avérer déterminante autant pour lui que pour le pays tout entier.
Konrad Yakabuski
LEDEVOIR
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