Jordan Peterson:
La théorie du genre n'a pas sa place en classe
Une fillette de six ans est bouleversée depuis que son institutrice d’Ottawa lui a « enseigné » que « les filles ne sont pas réelles et les garçons ne sont pas réels ».
Il y a deux semaines, la journaliste Barbara Kay a publié un article sur le site Post Millennial concernant une demande déposée devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) par les parents d’une fillette de six ans, « N. », soumise à la nouvelle théorie de l’identité de genre par son institutrice à l’école publique communautaire de Devonshire (conseil scolaire du district d’Ottawa-Carleton).
Selon le récit de Mme Kay, en janvier 2018, dans une classe de première année à la Devonshire Community Public School, qui fait partie du réseau du conseil scolaire du district d’Ottawa-Carleton, N., âgée de six ans, a visionné une vidéo sur YouTube
dans le cadre de la leçon de son institutrice sur le « genre ».
Selon Pamela, la mère de N., sa fille est un enfant qui adore l’école — ou l’adorait jusqu’au matin à la base de ce billet.
La vidéo s’intitulait « Il, elle ou eux ?!?? — Sexe : Queer Kid Stuff n° 2. »
La vidéo contenait des affirmations telles que « certaines personnes ne sont ni des garçons ni des filles » et il y a des gens qui ne se « sentent ni un « il » ou un « elle » et pourraient donc ne pas avoir de genre. La jeune institutrice, dont les initiales sont J.B., a continué d’enseigner la théorie du genre tout au long du semestre. Selon les réactions de N. à sa mère, J.B. a déclaré aux enfants qu’il n’existait pas de filles ni de garçons
et que pas plus les filles et les garçons ne sont « réels ».
À la mi-mars, les parents de N. pouvaient voir que les leçons avaient un impact sur leur fille, qui commençait spontanément à leur demander à plusieurs reprises pourquoi son identité de fille n’était « pas réelle ». Elle demanda si elle pouvait « aller chez un médecin » pour discuter du fait qu’elle était une fille. Elle a dit qu’elle « n’était pas sûre de vouloir devenir maman ». Mme Buffone a expliqué à N. que les femmes adultes avaient le choix,
mais elle s’inquiétait que le sujet soit abordé en classe dès la première année.
Les Buffone étaient naturellement alarmés par les signes de confusion persistants de leur fille, alors qu’elle n’avait jamais montré auparavant le moindre signe de mécontentement quant à sa réalité biologique. Mme Buffone a donc rencontré l’institutrice J.B.
en mars pour discuter de l’impact des discussions sur le genre sur sa fille.
Les parents ont pu se rendre compte que J.B. était très attachée à l’enseignement de la fluidité sexuelle comme reflet d’un « changement au sein de la société ». Elle a expliqué à Mme Buffone que la fluidité sexuelle était la politique de la commission scolaire, que certains enfants avaient du mal à accepter que le sexe était binaire et a confirmé que la question de changement de sexe avait été abordée en classe. Elle ne semblait pas trop préoccupée par la détresse personnelle de N. et n’avait rien fait pour affirmer l’identité féminine de N.
Les Buffones ont ensuite contacté la directrice de l’école, Julie Derbyshire.
Selon Mme Buffone, Mme Derbyshire avait expliqué que J.B. avait commencé ce cours pour accueillir un enfant de la classe qui avait dit souhaiter s’exprimer en tant qu’enfant de genre opposé à son sexe biologique. Un enfant présentant des symptômes de dysphorie de genre en première année de cette école était, il est vrai, taquiné pour ce fait. Mais, selon Mme Buffone, comme elle l’a appris par la suite, les parents de l’enfant en question ne souhaitaient pas que ce problème se règle par des leçons sur le genre ; ils voulaient simplement apprendre aux autres enfants à agir avec respect envers leur enfant et à ne pas l’intimider. Mme Derbyshire n’a pas proposé de consulter le « spécialiste du genre »
de l’école au sujet des élèves comme N. qui ne se questionnaient pas sur leur genre.
Déterminés à obtenir une réponse sur le fond du problème, les Buffone ont insisté pour rencontrer le surintendant du conseil scolaire et le surintendant du programme scolaire. Selon la plainte déposée devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, « la commission scolaire n’a pas accepté de communiquer avec les parents lors de discussions sensibles ni d’accepter de directive ou de prendre des mesures correctives pour garantir que les enfants de sexe féminin soient réconfortées dans leur identité de genre ».
Se heurtant à un mur à chaque échelon de la hiérarchie, les Buffone ont pris la décision d’inscrire N. dans une autre école où, selon sa mère, elle va bien et où elle a affirmé à sa famille être heureuse de ne plus avoir d’institutrice qui dit que « les filles ne sont pas réelles ». En octobre 2018, N. aurait dit à sa mère : « Cette table est réelle, et ce ventilateur est réel, et même si le ventilateur était en carton, c’est toujours réel. »
Les histoires liées à l’identité de genre dans l’enfance qu’on lit habituellement dans la presse mettent en scène un enfant qui serait bouleversé par la disparité qui existerait entre sa réalité biologique et le genre qu’il s’imagine avoir. Ces récits présentent habituellement les éducateurs comme des alliés et des porte-parole éclairés de l’enfant, tandis que les parents, rétrogrades et fermés, résistent à l’affirmation de genre de leur enfant ce qui causerait une angoisse accrue pour l’enfant. Cette présentation des faits convainc alors facilement les spectateurs que l’enfant vit une injustice et qu’il est heureux que l’État et ses représentants prennent la défense de l’enfant « enfermé dans une mauvaise identité de genre ». Dans ces cas-là, le « droit de l’enfant à exprimer son identité de genre » l’emporte pour les spectateurs et l’État sur le droit des parents à s’y opposer.
Mais voilà, nous avons ici le cas contraire. N. se sentait bien dans son identité sexuelle. Elle n’avait jamais mis en doute celle-ci. Tout à coup, une personne en autorité lui déclare qu’à tout moment, ce qu’elle croit être réel — qu’elle est une fille — peut ne pas être vrai. Les parents sont les alliés de l’enfant ici alors que son école remet en doute la réalité de son identité sexuelle ou lui instille le doute quant à celui-ci. Pourquoi ne pourrait-elle pas être aussi bien traitée que l’enfant qui se poserait des questions sur son « genre » ?
Après tout, un minimum de bonne volonté de la part de J.B. et de ses supérieurs aurait facilement permis de désamorcer la situation et d’atténuer les inquiétudes des Buffone. Pourquoi J.B. n’aurait-il pas pu expliquer que certains se sentent mal à l’aise par rapport à leur identité sexuelle, mais que c’est une chose rare (un fait) ; que c’est souvent une phase passagère ; que les préférences en matière de tenue vestimentaire et de jeu non conformes dans l’enfance sont normales (« les garçons manqués ») et n’indiquent que rarement un mécontentement profond ou durable avec le sexe biologique (fait) ; que la plupart des enfants cessent d’avoir ces doutes lorsqu’ils sont adolescents (fait) ; le plus important, c’est que presque tous les enfants sont parfaitement heureux d’être exactement ce qu’ils sont (fait) et que ces enfants ne doivent pas s’inquiéter du fait qu’ils ne sont pas de vrais garçons ou filles. Pourquoi cela est-il si difficile à dire pour l’école ? N. aurait été rassurée et le seul enfant de la classe
qui souffrait de confusion sexuelle n’aurait pas été affecté.
La demande auprès du TDPO de Buffone conclut que J.B. « a soumis N. à une discrimination continue fondée sur le genre et l’identité de genre, par une série de leçons qui niaient l’existence du sexe féminin et du sexe biologique et minaient la valeur de l’identification en tant que femme [..] La directrice et le conseil scolaire ont perpétué et renforcé la discrimination dont N. avait été victime dans sa classe de première année, car ni Mme Derbyshire ni aucun responsable du conseil scolaire n’avait pris de mesure corrective pour y remédier. »
La réparation demandée consiste à ce que le Tribunal ordonne à la Commission i) de veiller à ce que les cours donnés en classe « ne dévaluent, ne nient ou ne sapent en aucune manière l’identité de genre féminine » ; ii) mandater les enseignants à « informer les parents lorsque des cours sur l’identité de genre auront lieu ou ont eu lieu, y compris les objectifs pédagogiques et le matériel qui sera ou aura été utilisé pour ces cours » ; et iii) à payer aux Buffone une somme de 5 000 dollars en dommages-intérêts généraux « pour compenser les atteintes à la dignité,
aux sentiments et au respect de soi causés par la discrimination ».
L’avocat de la commission scolaire a répondu à la requête des parents en demandant que celle-ci soit rejetée « au motif que la demande n’avait aucune chance raisonnable de succès », rejetant les allégations et promettant de fournir une « réponse complète
si le Tribunal ne rejetait pas l’affaire à l’issue d’une procédure accélérée. »
L’avocat cita également une autre plainte contre la Fédération des enseignants et des enseignantes de l’élémentaire de l’Ontario en renvoyant à la conclusion du Tribunal selon laquelle le Tribunal « n’avait pas le pouvoir de statuer sur des allégations générales d’iniquité » et que les faits, même s’ils étaient vrais, n’« impliquent pas une discrimination interdite par le Code [des droits de la personne] ». On y cite également que le droit des enseignants à enseigner l’identité de genre a été reconnu par le ministre de l’Éducation et que « La pertinence d’une discussion en classe n’engendre pas de discrimination interdite telle que définie par le Code. » En résumé, même si les leçons de l’enseignante ont des effets négatifs sur N., la fillette n’aurait aucun motif de réparation en vertu du Code des droits de la personne.
Le célèbre professeur de psychologie Jordan Peterson s’est exprimé sur cette affaire :
Considérez ceci : à l’âge de six ans, « N. » devait d’abord remettre en question une identité qu’elle avait passé continuellement et sans cesse à développer depuis (au moins) l’âge de deux ans - apprendre les règles qu’elle considérait conformes à son rôle social de fillette, afin qu’elle sache s’intégrer, faire ce qu’on attend d’elle, s’entendre avec les autres, s’abstenir de violer les attentes de ses pairs et des adultes qu’elle rencontre et préparer de son mieux son parcours féminin. Deuxièmement, on lui demandait de remettre en question ce qui constitue le « vrai » — parce que si vous avez six ans et que vous êtes une fille et que vous le savez (comme tout le monde), et qu’on vous dit maintenant que rien de tout cela n’est « réel », alors l’idée même de la réalité devient fragile et instable. Il ne faut pas sous-estimer la gravité la confusion philosophique et psychologique que de telles exigences peuvent engendrer.
Je peine à imaginer une stratégie pédagogique moins propice à un développement stable de la petite enfance, en particulier pour une enfant pensive, ce qui est exactement ce que « N » semble être — pour son plus grand malheur dans ce cas. Faisant apparemment confiance à son institutrice, « N. » a écouté ses leçons et a essayé de comprendre le salmigondis complexe et contradictoire qui lui était présenté. Cet exercice était voué à l’échec, car ces informations ne signifient rien de raisonnable, de logique, de pratique ou de vrai. Peu importe : la « fluidité sexuelle » est la politique du conseil scolaire, même pour les enfants de six ans et la détresse d’un enfant auparavant tout à fait normal à la suite de ces classes est un prix raisonnable à payer pour garantir la pureté idéologique. Cette politique, toute contre-productive et absurde qu’elle soit, doit donc être strictement maintenue. Mieux vaut que l’enfant souffre que l’enseignant ne réfléchisse. Mieux vaut que tout le système éducatif se transforme autour du nouveau dogme (et tant pis si l’expérimentation tourne mal) plutôt que de voir les idéologues qui gèrent sa structure remettre en question
leurs présomptions absurdes et foncièrement nées du ressentiment.
[...] Et maintenant, nous allons découvrir — avec la permission du Tribunal ontarien des droits de la personne (une organisation dans laquelle je pourrais difficilement avoir moins de foi et qui devrait être abolie dès que possible) — si les petites filles ont le droit de maintenir leurs visions du monde et leur opinion sur leurs propres corps — visions et opinions normatives, communes, pratiques et réalistes — ou si cela est supplanté administrativement et juridiquement par l’existence d’un ensemble incohérent de droits concédés de manière inexcusable et forcée à une toute petite minorité de personnes qui insistent que leurs « identités » sont entièrement autogénérées et absolument inviolables socialement et légalement. Je miserais fort sur la seconde option et je pense que le fait que nous en soyons là est une grande honte et un danger pour nous tous.
Plus tôt, le professeur de psychologie rappelait :
Pire, cette insistance caractéristique du projet de loi [C-16] et des politiques qui y sont associées et les dogmes académiques de dixième ordre qui fondent toute cette farce, selon laquelle « l’identité » est uniquement déterminée par l’individu en question » (quelle que soit cette identité). Même les sociologues ne le croient pas : ni le genre classique plus ancien parfois utile, ni le genre moderne effroyable et tout à fait contre-productif. Ils comprennent que l’identité est un rôle social, ce qui signifie qu’elle est nécessairement négociée socialement. Et il y a une raison à cela. Une identité — un rôle — n’est pas simplement ce que vous croyez être, instant après instant ou année après année, mais, comme le dit l’Encyclopedia Britannica (plus précisément dans sa section sociologie), « un ensemble complet de comportements socialement reconnus » qui fournit un moyen d’identifier et de placer un individu dans la société », elle sert aussi « de stratégie pour faire face à des situations récurrentes et savoir comment
s’y prendre avec d’autres rôles (par exemple, les rôles parent-enfant) ».
Votre identité ne correspond pas aux vêtements que vous portez, ni aux préférences ou comportements sexuels à la mode que vous adoptez et affichez, ni aux causes qui motivent votre activisme, ni à votre indignation morale face à des idées différentes des vôtres. Il s’agit plutôt d’un ensemble de compromis complexes faits entre l’individu et la société sur la manière dont les uns et les autres pourraient se supporter et se soutenir à long terme. On ne modifie pas cet ensemble à la légère, car ce compromis est très difficile à atteindre, il constitue l’essence même de la civilisation. Il a fallu des siècles pour y parvenir. Il faut comprendre que l’absence de rôles socialement acceptables est tout simplement
le conflit permanent, à la fois psychologique et social.
Dans la mesure où cette identité n’est pas uniquement biologique (bien qu’elle le soit en grande partie, mais pas totalement), c’est un drame qui se joue dans le monde des autres. Une identité fournit des règles d’interactions sociales que tout le monde comprend ; elle fournit un sens et un but génériques mais indispensables dans la vie. Si vous êtes un enfant et que vous jouez à un jeu de rôles pour rire avec vos amis, vous négociez votre identité pour que le jeu se déroule correctement. Vous faites la même chose dans le monde réel, que vous soyez un enfant, un adolescent ou un adulte. Refuser de s’engager dans l’aspect social de la négociation d’identité — insister sur le fait que tout le monde doit accepter ce que vous dites être — revient simplement à vous embrouiller ainsi que tous les autres, car personne ne comprend les règles de votre jeu,
notamment parce qu’elles n’ont tout simplement pas été formulées.
Jordan Peterson termine sa lettre ouverte ainsi :
Le silence de la majorité sur de telles questions — justifié, je pense, par la peur réelle d’être à dessein ostracisé pour avoir osé émettre des objections (quelle que soit la représentativité de ces objections) — mettra, à mon avis, nos enfants et adolescents dans une situation que
nous regretterons amèrement dans les décennies à venir.
Il y a deux semaines, la journaliste Barbara Kay a publié un article sur le site Post Millennial concernant une demande déposée devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) par les parents d’une fillette de six ans, « N. », soumise à la nouvelle théorie de l’identité de genre par son institutrice à l’école publique communautaire de Devonshire (conseil scolaire du district d’Ottawa-Carleton).
Selon le récit de Mme Kay, en janvier 2018, dans une classe de première année à la Devonshire Community Public School, qui fait partie du réseau du conseil scolaire du district d’Ottawa-Carleton, N., âgée de six ans, a visionné une vidéo sur YouTube
dans le cadre de la leçon de son institutrice sur le « genre ».
Selon Pamela, la mère de N., sa fille est un enfant qui adore l’école — ou l’adorait jusqu’au matin à la base de ce billet.
La vidéo s’intitulait « Il, elle ou eux ?!?? — Sexe : Queer Kid Stuff n° 2. »
La vidéo contenait des affirmations telles que « certaines personnes ne sont ni des garçons ni des filles » et il y a des gens qui ne se « sentent ni un « il » ou un « elle » et pourraient donc ne pas avoir de genre. La jeune institutrice, dont les initiales sont J.B., a continué d’enseigner la théorie du genre tout au long du semestre. Selon les réactions de N. à sa mère, J.B. a déclaré aux enfants qu’il n’existait pas de filles ni de garçons
et que pas plus les filles et les garçons ne sont « réels ».
À la mi-mars, les parents de N. pouvaient voir que les leçons avaient un impact sur leur fille, qui commençait spontanément à leur demander à plusieurs reprises pourquoi son identité de fille n’était « pas réelle ». Elle demanda si elle pouvait « aller chez un médecin » pour discuter du fait qu’elle était une fille. Elle a dit qu’elle « n’était pas sûre de vouloir devenir maman ». Mme Buffone a expliqué à N. que les femmes adultes avaient le choix,
mais elle s’inquiétait que le sujet soit abordé en classe dès la première année.
Les Buffone étaient naturellement alarmés par les signes de confusion persistants de leur fille, alors qu’elle n’avait jamais montré auparavant le moindre signe de mécontentement quant à sa réalité biologique. Mme Buffone a donc rencontré l’institutrice J.B.
en mars pour discuter de l’impact des discussions sur le genre sur sa fille.
Les parents ont pu se rendre compte que J.B. était très attachée à l’enseignement de la fluidité sexuelle comme reflet d’un « changement au sein de la société ». Elle a expliqué à Mme Buffone que la fluidité sexuelle était la politique de la commission scolaire, que certains enfants avaient du mal à accepter que le sexe était binaire et a confirmé que la question de changement de sexe avait été abordée en classe. Elle ne semblait pas trop préoccupée par la détresse personnelle de N. et n’avait rien fait pour affirmer l’identité féminine de N.
Les Buffones ont ensuite contacté la directrice de l’école, Julie Derbyshire.
Selon Mme Buffone, Mme Derbyshire avait expliqué que J.B. avait commencé ce cours pour accueillir un enfant de la classe qui avait dit souhaiter s’exprimer en tant qu’enfant de genre opposé à son sexe biologique. Un enfant présentant des symptômes de dysphorie de genre en première année de cette école était, il est vrai, taquiné pour ce fait. Mais, selon Mme Buffone, comme elle l’a appris par la suite, les parents de l’enfant en question ne souhaitaient pas que ce problème se règle par des leçons sur le genre ; ils voulaient simplement apprendre aux autres enfants à agir avec respect envers leur enfant et à ne pas l’intimider. Mme Derbyshire n’a pas proposé de consulter le « spécialiste du genre »
de l’école au sujet des élèves comme N. qui ne se questionnaient pas sur leur genre.
Déterminés à obtenir une réponse sur le fond du problème, les Buffone ont insisté pour rencontrer le surintendant du conseil scolaire et le surintendant du programme scolaire. Selon la plainte déposée devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, « la commission scolaire n’a pas accepté de communiquer avec les parents lors de discussions sensibles ni d’accepter de directive ou de prendre des mesures correctives pour garantir que les enfants de sexe féminin soient réconfortées dans leur identité de genre ».
Se heurtant à un mur à chaque échelon de la hiérarchie, les Buffone ont pris la décision d’inscrire N. dans une autre école où, selon sa mère, elle va bien et où elle a affirmé à sa famille être heureuse de ne plus avoir d’institutrice qui dit que « les filles ne sont pas réelles ». En octobre 2018, N. aurait dit à sa mère : « Cette table est réelle, et ce ventilateur est réel, et même si le ventilateur était en carton, c’est toujours réel. »
Les histoires liées à l’identité de genre dans l’enfance qu’on lit habituellement dans la presse mettent en scène un enfant qui serait bouleversé par la disparité qui existerait entre sa réalité biologique et le genre qu’il s’imagine avoir. Ces récits présentent habituellement les éducateurs comme des alliés et des porte-parole éclairés de l’enfant, tandis que les parents, rétrogrades et fermés, résistent à l’affirmation de genre de leur enfant ce qui causerait une angoisse accrue pour l’enfant. Cette présentation des faits convainc alors facilement les spectateurs que l’enfant vit une injustice et qu’il est heureux que l’État et ses représentants prennent la défense de l’enfant « enfermé dans une mauvaise identité de genre ». Dans ces cas-là, le « droit de l’enfant à exprimer son identité de genre » l’emporte pour les spectateurs et l’État sur le droit des parents à s’y opposer.
Mais voilà, nous avons ici le cas contraire. N. se sentait bien dans son identité sexuelle. Elle n’avait jamais mis en doute celle-ci. Tout à coup, une personne en autorité lui déclare qu’à tout moment, ce qu’elle croit être réel — qu’elle est une fille — peut ne pas être vrai. Les parents sont les alliés de l’enfant ici alors que son école remet en doute la réalité de son identité sexuelle ou lui instille le doute quant à celui-ci. Pourquoi ne pourrait-elle pas être aussi bien traitée que l’enfant qui se poserait des questions sur son « genre » ?
Après tout, un minimum de bonne volonté de la part de J.B. et de ses supérieurs aurait facilement permis de désamorcer la situation et d’atténuer les inquiétudes des Buffone. Pourquoi J.B. n’aurait-il pas pu expliquer que certains se sentent mal à l’aise par rapport à leur identité sexuelle, mais que c’est une chose rare (un fait) ; que c’est souvent une phase passagère ; que les préférences en matière de tenue vestimentaire et de jeu non conformes dans l’enfance sont normales (« les garçons manqués ») et n’indiquent que rarement un mécontentement profond ou durable avec le sexe biologique (fait) ; que la plupart des enfants cessent d’avoir ces doutes lorsqu’ils sont adolescents (fait) ; le plus important, c’est que presque tous les enfants sont parfaitement heureux d’être exactement ce qu’ils sont (fait) et que ces enfants ne doivent pas s’inquiéter du fait qu’ils ne sont pas de vrais garçons ou filles. Pourquoi cela est-il si difficile à dire pour l’école ? N. aurait été rassurée et le seul enfant de la classe
qui souffrait de confusion sexuelle n’aurait pas été affecté.
La demande auprès du TDPO de Buffone conclut que J.B. « a soumis N. à une discrimination continue fondée sur le genre et l’identité de genre, par une série de leçons qui niaient l’existence du sexe féminin et du sexe biologique et minaient la valeur de l’identification en tant que femme [..] La directrice et le conseil scolaire ont perpétué et renforcé la discrimination dont N. avait été victime dans sa classe de première année, car ni Mme Derbyshire ni aucun responsable du conseil scolaire n’avait pris de mesure corrective pour y remédier. »
La réparation demandée consiste à ce que le Tribunal ordonne à la Commission i) de veiller à ce que les cours donnés en classe « ne dévaluent, ne nient ou ne sapent en aucune manière l’identité de genre féminine » ; ii) mandater les enseignants à « informer les parents lorsque des cours sur l’identité de genre auront lieu ou ont eu lieu, y compris les objectifs pédagogiques et le matériel qui sera ou aura été utilisé pour ces cours » ; et iii) à payer aux Buffone une somme de 5 000 dollars en dommages-intérêts généraux « pour compenser les atteintes à la dignité,
aux sentiments et au respect de soi causés par la discrimination ».
L’avocat de la commission scolaire a répondu à la requête des parents en demandant que celle-ci soit rejetée « au motif que la demande n’avait aucune chance raisonnable de succès », rejetant les allégations et promettant de fournir une « réponse complète
si le Tribunal ne rejetait pas l’affaire à l’issue d’une procédure accélérée. »
L’avocat cita également une autre plainte contre la Fédération des enseignants et des enseignantes de l’élémentaire de l’Ontario en renvoyant à la conclusion du Tribunal selon laquelle le Tribunal « n’avait pas le pouvoir de statuer sur des allégations générales d’iniquité » et que les faits, même s’ils étaient vrais, n’« impliquent pas une discrimination interdite par le Code [des droits de la personne] ». On y cite également que le droit des enseignants à enseigner l’identité de genre a été reconnu par le ministre de l’Éducation et que « La pertinence d’une discussion en classe n’engendre pas de discrimination interdite telle que définie par le Code. » En résumé, même si les leçons de l’enseignante ont des effets négatifs sur N., la fillette n’aurait aucun motif de réparation en vertu du Code des droits de la personne.
Le célèbre professeur de psychologie Jordan Peterson s’est exprimé sur cette affaire :
Considérez ceci : à l’âge de six ans, « N. » devait d’abord remettre en question une identité qu’elle avait passé continuellement et sans cesse à développer depuis (au moins) l’âge de deux ans - apprendre les règles qu’elle considérait conformes à son rôle social de fillette, afin qu’elle sache s’intégrer, faire ce qu’on attend d’elle, s’entendre avec les autres, s’abstenir de violer les attentes de ses pairs et des adultes qu’elle rencontre et préparer de son mieux son parcours féminin. Deuxièmement, on lui demandait de remettre en question ce qui constitue le « vrai » — parce que si vous avez six ans et que vous êtes une fille et que vous le savez (comme tout le monde), et qu’on vous dit maintenant que rien de tout cela n’est « réel », alors l’idée même de la réalité devient fragile et instable. Il ne faut pas sous-estimer la gravité la confusion philosophique et psychologique que de telles exigences peuvent engendrer.
Je peine à imaginer une stratégie pédagogique moins propice à un développement stable de la petite enfance, en particulier pour une enfant pensive, ce qui est exactement ce que « N » semble être — pour son plus grand malheur dans ce cas. Faisant apparemment confiance à son institutrice, « N. » a écouté ses leçons et a essayé de comprendre le salmigondis complexe et contradictoire qui lui était présenté. Cet exercice était voué à l’échec, car ces informations ne signifient rien de raisonnable, de logique, de pratique ou de vrai. Peu importe : la « fluidité sexuelle » est la politique du conseil scolaire, même pour les enfants de six ans et la détresse d’un enfant auparavant tout à fait normal à la suite de ces classes est un prix raisonnable à payer pour garantir la pureté idéologique. Cette politique, toute contre-productive et absurde qu’elle soit, doit donc être strictement maintenue. Mieux vaut que l’enfant souffre que l’enseignant ne réfléchisse. Mieux vaut que tout le système éducatif se transforme autour du nouveau dogme (et tant pis si l’expérimentation tourne mal) plutôt que de voir les idéologues qui gèrent sa structure remettre en question
leurs présomptions absurdes et foncièrement nées du ressentiment.
[...] Et maintenant, nous allons découvrir — avec la permission du Tribunal ontarien des droits de la personne (une organisation dans laquelle je pourrais difficilement avoir moins de foi et qui devrait être abolie dès que possible) — si les petites filles ont le droit de maintenir leurs visions du monde et leur opinion sur leurs propres corps — visions et opinions normatives, communes, pratiques et réalistes — ou si cela est supplanté administrativement et juridiquement par l’existence d’un ensemble incohérent de droits concédés de manière inexcusable et forcée à une toute petite minorité de personnes qui insistent que leurs « identités » sont entièrement autogénérées et absolument inviolables socialement et légalement. Je miserais fort sur la seconde option et je pense que le fait que nous en soyons là est une grande honte et un danger pour nous tous.
Plus tôt, le professeur de psychologie rappelait :
Pire, cette insistance caractéristique du projet de loi [C-16] et des politiques qui y sont associées et les dogmes académiques de dixième ordre qui fondent toute cette farce, selon laquelle « l’identité » est uniquement déterminée par l’individu en question » (quelle que soit cette identité). Même les sociologues ne le croient pas : ni le genre classique plus ancien parfois utile, ni le genre moderne effroyable et tout à fait contre-productif. Ils comprennent que l’identité est un rôle social, ce qui signifie qu’elle est nécessairement négociée socialement. Et il y a une raison à cela. Une identité — un rôle — n’est pas simplement ce que vous croyez être, instant après instant ou année après année, mais, comme le dit l’Encyclopedia Britannica (plus précisément dans sa section sociologie), « un ensemble complet de comportements socialement reconnus » qui fournit un moyen d’identifier et de placer un individu dans la société », elle sert aussi « de stratégie pour faire face à des situations récurrentes et savoir comment
s’y prendre avec d’autres rôles (par exemple, les rôles parent-enfant) ».
Votre identité ne correspond pas aux vêtements que vous portez, ni aux préférences ou comportements sexuels à la mode que vous adoptez et affichez, ni aux causes qui motivent votre activisme, ni à votre indignation morale face à des idées différentes des vôtres. Il s’agit plutôt d’un ensemble de compromis complexes faits entre l’individu et la société sur la manière dont les uns et les autres pourraient se supporter et se soutenir à long terme. On ne modifie pas cet ensemble à la légère, car ce compromis est très difficile à atteindre, il constitue l’essence même de la civilisation. Il a fallu des siècles pour y parvenir. Il faut comprendre que l’absence de rôles socialement acceptables est tout simplement
le conflit permanent, à la fois psychologique et social.
Dans la mesure où cette identité n’est pas uniquement biologique (bien qu’elle le soit en grande partie, mais pas totalement), c’est un drame qui se joue dans le monde des autres. Une identité fournit des règles d’interactions sociales que tout le monde comprend ; elle fournit un sens et un but génériques mais indispensables dans la vie. Si vous êtes un enfant et que vous jouez à un jeu de rôles pour rire avec vos amis, vous négociez votre identité pour que le jeu se déroule correctement. Vous faites la même chose dans le monde réel, que vous soyez un enfant, un adolescent ou un adulte. Refuser de s’engager dans l’aspect social de la négociation d’identité — insister sur le fait que tout le monde doit accepter ce que vous dites être — revient simplement à vous embrouiller ainsi que tous les autres, car personne ne comprend les règles de votre jeu,
notamment parce qu’elles n’ont tout simplement pas été formulées.
Jordan Peterson termine sa lettre ouverte ainsi :
Le silence de la majorité sur de telles questions — justifié, je pense, par la peur réelle d’être à dessein ostracisé pour avoir osé émettre des objections (quelle que soit la représentativité de ces objections) — mettra, à mon avis, nos enfants et adolescents dans une situation que
nous regretterons amèrement dans les décennies à venir.