Un sénateur veut prélever l’ADN
de presque tous les contrevenants
Doper la Banque nationale de données génétiques (BNDG) pour donner aux autorités les moyens de profiter des avancées technologies afin d’élucider des crimes non résolus : c’est l’idée du sénateur Claude Carignan, qui souhaite rendre automatique l’inscription du profil ADN de presque tout nouveau contrevenant.
VINCENT LARINLA PRESSE
Le Canada est « en retard » dans le domaine de l’analyse génétique, tranche le sénateur, en entrevue avec La Presse. « De nombreuses situations auraient pu être réglées maintenant et plusieurs situations actuelles pourraient être résolues », martèle-t-il au bout du fil.
C’est pourquoi Claude Carignan a introduit au Sénat le projet de loi S-231. L’objectif de ce dernier : rendre automatique la prise d’un échantillon ADN chez presque toutes les personnes reconnues coupables d’un crime au Canada.
Le sénateur conservateur Claude Carignan
Car si un échantillon d’ADN peut être prélevé actuellement chez les personnes condamnées pour certains crimes, la liste actuelle de ceux-ci est « longue et complexe » et n’inclut pas toutes les infractions criminelles.
Davantage de données pourraient ainsi être recueillies afin de garnir la BNDG, un immense répertoire géré par la Gendarmerie royale du Canada et accessible aux corps policiers à travers le pays pour les appuyer dans leurs enquêtes. En comparant l’ADN trouvé sur une scène de crime aux échantillons qu’elle contient, les policiers peuvent facilement déterminer l’identité d’un suspect, à condition qu’il y soit enregistré.
Or, la BNDG contient relativement peu de données comparativement à d’autres banques semblables
dans d’autres pays, plaide Claude Carignan.
En Angleterre, il y a 10 fois plus de profils ADN par habitant qu’au Canada.
Le sénateur conservateur Claude Carignan
S’il est adopté, son projet de loi rendrait également possible, « dans certaines circonstances », le recours à la BNDG pour effectuer une recherche par lien de parenté, ce qui permettrait aux autorités de bénéficier de récentes avancées
technologiques en matière d’analyse génétique1.
Grosso modo, les corps policiers seraient ainsi capables d’identifier un suspect grâce à l’ADN qu’il aurait laissé sur une scène de crime en le comparant à celui d’un parent biologique qui aurait fourni son ADN à la Banque dans le cadre d’une condamnation.
Tourner la page plus tôtLe sénateur a obtenu un appui de taille dans sa démarche, celui de l’Association canadienne des chefs de police (ACCP). « Il s’agit d’un changement essentiel », plaide-t-elle dans un mémoire présenté début février au Comité sénatorial permanent
des Affaires juridiques et constitutionnelles.
L’ACCP cite le cas de Christine Jessop, dont l’enlèvement et la mort en 1984 avaient bouleversé le Canada et entraîné la condamnation d’un innocent. Le vrai coupable, Calvin Hoover, avait été identifié par la police de Toronto 36 ans plus tard, en 2020, grâce à des avancées technologiques dans le domaine de l’analyse génétique2.
Or, si le projet de loi du sénateur Claude Carignan avait été en vigueur en 2007, lorsque Hoover a été reconnu coupable de conduite avec les facultés affaiblies, son profil génétique aurait été ajouté à la BNDG.
Le meurtre de Christine aurait pu être résolu 13 ans plus tôt. M. Hoover, décédé en 2015, aurait pu être jugé pour le meurtre de Christine. La famille Jessop aurait pu trouver la justice et M. Morin aurait pu tourner la page un peu plus.
Extrait du mémoire de l’Association canadienne des chefs de police (ACCP)
« On n’a pas le droit de ne pas utiliser tous les moyens que nous offre la science », conclut M. Carignan.
Des questions éthiquesLes modifications proposées par son projet de loi soulèvent toutefois plusieurs questions d’ordre éthique, estime le professeur de bioéthique Bryn Williams-Jones, directeur du département de médecine sociale et préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal.
Contrairement aux empreintes digitales, déjà prélevées plus largement, mais qui sont « individuelles », l’ADN est « familial », pointe-t-il. « Si mon père ou mon grand-père a été enregistré, mais que moi je n’ai été impliqué dans rien,
ces données sont encore là ? », demande-t-il en guise d’exemple.
Selon Claude Carignan, son projet de loi prévoit toutefois plusieurs mécanismes afin de protéger
les informations personnelles des contributeurs à la BNDG.
Qui plus est, la Cour suprême s’est déjà penchée sur la constitutionnalité du prélèvement d’ADN de contrevenants et a tranché que la qualité des renseignements offerts prévalait sur l’atteinte à la vie privée des contrevenants, rappelle-t-il.
Le sénateur a bon espoir de voir son projet de loi cheminer au Sénat d’ici à la pause des travaux l’été prochain. Après cette étape, un député devra ensuite le parrainer afin qu’il soit officiellement adopté à la Chambre des communes.
Si les projets de loi émanant du Sénat sont peu nombreux à être adoptés à la Chambre des communes, ce fut le cas d’un autre projet piloté par Claude Carignan, sur la protection des sources journalistiques.
Présentée dans la foulée des révélations sur la surveillance par le Service de police de la Ville de Montréal et la Sûreté du Québec de plusieurs journalistes au Québec, dont le chroniqueur Patrick Lagacé de La Presse, cette dernière mesure législative avait été adoptée à l’unanimité par la Chambre des communes en octobre 2017.
VINCENT LARINLA PRESSE
Le Canada est « en retard » dans le domaine de l’analyse génétique, tranche le sénateur, en entrevue avec La Presse. « De nombreuses situations auraient pu être réglées maintenant et plusieurs situations actuelles pourraient être résolues », martèle-t-il au bout du fil.
C’est pourquoi Claude Carignan a introduit au Sénat le projet de loi S-231. L’objectif de ce dernier : rendre automatique la prise d’un échantillon ADN chez presque toutes les personnes reconnues coupables d’un crime au Canada.
Le sénateur conservateur Claude Carignan
Car si un échantillon d’ADN peut être prélevé actuellement chez les personnes condamnées pour certains crimes, la liste actuelle de ceux-ci est « longue et complexe » et n’inclut pas toutes les infractions criminelles.
Davantage de données pourraient ainsi être recueillies afin de garnir la BNDG, un immense répertoire géré par la Gendarmerie royale du Canada et accessible aux corps policiers à travers le pays pour les appuyer dans leurs enquêtes. En comparant l’ADN trouvé sur une scène de crime aux échantillons qu’elle contient, les policiers peuvent facilement déterminer l’identité d’un suspect, à condition qu’il y soit enregistré.
Or, la BNDG contient relativement peu de données comparativement à d’autres banques semblables
dans d’autres pays, plaide Claude Carignan.
En Angleterre, il y a 10 fois plus de profils ADN par habitant qu’au Canada.
Le sénateur conservateur Claude Carignan
S’il est adopté, son projet de loi rendrait également possible, « dans certaines circonstances », le recours à la BNDG pour effectuer une recherche par lien de parenté, ce qui permettrait aux autorités de bénéficier de récentes avancées
technologiques en matière d’analyse génétique1.
Grosso modo, les corps policiers seraient ainsi capables d’identifier un suspect grâce à l’ADN qu’il aurait laissé sur une scène de crime en le comparant à celui d’un parent biologique qui aurait fourni son ADN à la Banque dans le cadre d’une condamnation.
Tourner la page plus tôtLe sénateur a obtenu un appui de taille dans sa démarche, celui de l’Association canadienne des chefs de police (ACCP). « Il s’agit d’un changement essentiel », plaide-t-elle dans un mémoire présenté début février au Comité sénatorial permanent
des Affaires juridiques et constitutionnelles.
L’ACCP cite le cas de Christine Jessop, dont l’enlèvement et la mort en 1984 avaient bouleversé le Canada et entraîné la condamnation d’un innocent. Le vrai coupable, Calvin Hoover, avait été identifié par la police de Toronto 36 ans plus tard, en 2020, grâce à des avancées technologiques dans le domaine de l’analyse génétique2.
Or, si le projet de loi du sénateur Claude Carignan avait été en vigueur en 2007, lorsque Hoover a été reconnu coupable de conduite avec les facultés affaiblies, son profil génétique aurait été ajouté à la BNDG.
Le meurtre de Christine aurait pu être résolu 13 ans plus tôt. M. Hoover, décédé en 2015, aurait pu être jugé pour le meurtre de Christine. La famille Jessop aurait pu trouver la justice et M. Morin aurait pu tourner la page un peu plus.
Extrait du mémoire de l’Association canadienne des chefs de police (ACCP)
« On n’a pas le droit de ne pas utiliser tous les moyens que nous offre la science », conclut M. Carignan.
Des questions éthiquesLes modifications proposées par son projet de loi soulèvent toutefois plusieurs questions d’ordre éthique, estime le professeur de bioéthique Bryn Williams-Jones, directeur du département de médecine sociale et préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal.
Contrairement aux empreintes digitales, déjà prélevées plus largement, mais qui sont « individuelles », l’ADN est « familial », pointe-t-il. « Si mon père ou mon grand-père a été enregistré, mais que moi je n’ai été impliqué dans rien,
ces données sont encore là ? », demande-t-il en guise d’exemple.
Selon Claude Carignan, son projet de loi prévoit toutefois plusieurs mécanismes afin de protéger
les informations personnelles des contributeurs à la BNDG.
Qui plus est, la Cour suprême s’est déjà penchée sur la constitutionnalité du prélèvement d’ADN de contrevenants et a tranché que la qualité des renseignements offerts prévalait sur l’atteinte à la vie privée des contrevenants, rappelle-t-il.
Le sénateur a bon espoir de voir son projet de loi cheminer au Sénat d’ici à la pause des travaux l’été prochain. Après cette étape, un député devra ensuite le parrainer afin qu’il soit officiellement adopté à la Chambre des communes.
Si les projets de loi émanant du Sénat sont peu nombreux à être adoptés à la Chambre des communes, ce fut le cas d’un autre projet piloté par Claude Carignan, sur la protection des sources journalistiques.
Présentée dans la foulée des révélations sur la surveillance par le Service de police de la Ville de Montréal et la Sûreté du Québec de plusieurs journalistes au Québec, dont le chroniqueur Patrick Lagacé de La Presse, cette dernière mesure législative avait été adoptée à l’unanimité par la Chambre des communes en octobre 2017.