Des centres d’aide aux hommes violents
en manque de moyens
Longs délais d’attente, manque de financement, « trous de service » : des organismes qui viennent en aide aux hommes violents lancent un appel à l’aide, dans la foulée des sept féminicides en sept semaines au Québec.
« Il y a un problème sur le plan des ressources. Par année, on reçoit environ 1200 hommes dans nos bureaux et, actuellement, 110 d’entre eux attendent toujours pour obtenir un service », explique la directrice générale d’Entraide pour hommes,
Geneviève Landry, en entrevue avec La Presse.
Son organisme, qui a des bureaux à Longueuil et à Belœil, constate que les fonds alloués par Québec – soit 5 millions sur cinq ans – sont insuffisants pour soutenir les 31 organismes de la province qui viennent en aide aux conjoints violents. « Pour l’instant, c’est seulement 1 million qui est descendu jusqu’à nous. Par organisme, ce sont des miettes », dit Mme Landry.
Geneviève Landry, en entrevue avec La Presse.
Son organisme, qui a des bureaux à Longueuil et à Belœil, constate que les fonds alloués par Québec – soit 5 millions sur cinq ans – sont insuffisants pour soutenir les 31 organismes de la province qui viennent en aide aux conjoints violents. « Pour l’instant, c’est seulement 1 million qui est descendu jusqu’à nous. Par organisme, ce sont des miettes », dit Mme Landry.
Elle appelle les autorités à « évaluer les trous de service » et à investir pour combler ceux-ci. « Il y a beaucoup d’endroits au Québec où il n’y a pas de service. Même à Belœil, on reçoit des hommes de Saint-Jean-sur-Richelieu, quand ils peuvent se déplacer, parce qu’ils n’ont rien dans leur secteur. C’est préoccupant », insiste la DG.
Dans la métropole, le centre d’intervention PRO-GAM est du même avis. « On devrait avoir un projet mobilisateur pour les hommes à Montréal. Il n’y a aucune structure rassembleuse pour faire de l’hébergement ou de la thérapie sur place. Si on ne change pas le comportement des hommes, ça ne réglera pas le problème », affirme le président du conseil d’administration, Guy Jolicœur.
Québec et Ottawa devraient nous financer davantage. On le fait pour la toxicomanie, pourquoi est-ce qu’on ne le fait pas pour la violence conjugale ? Si on ouvrait les yeux, on pourrait faire quelque chose de vraiment intéressant.
Guy Jolicœur, président du conseil d’administration de PRO-GAM
Au cabinet de la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, on indique que les « organismes venant en aide aux hommes avec des comportements violents font partie intégrante de la lutte contre la violence conjugale ». « Nous saluons le courage des hommes qui vont chercher de l’aide et nous invitons tous les hommes à faire une introspection sur le sujet », écrit l’attachée de presse Alice Bergeron.
« Nous l’avons répété plusieurs fois : nous continuons nos actions et nous allons mettre
les moyens nécessaires pour protéger les femmes », ajoute-t-elle.
Sonner aux bonnes portes
En 2016, après une séparation, Patrick est vite devenu harcelant envers son ex-conjointe. « C’était principalement verbal en ce qui me concerne, mais je disais des choses assez dures, assez crues. Il y a aussi eu des menaces de suicide de ma part. La mère de mes enfants s’est mise à avoir une peur bleue de moi. Et cette peur, je l’exploitais pour avoir ce que je voulais, dont la garde des enfants »,
explique l’homme de 47 ans, qui est père de trois enfants.
Son ex-conjointe a peu après porté plainte à la police, ce qui a mené à son arrestation et à son incarcération. « J’ai passé sept mois derrière les barreaux la première fois et, malgré ça, j’ai continué à la harceler. Je ne comprenais pas le message, relate le principal intéressé. Avec le recul, je comprends que cette deuxième vague était très ciblée. C’était carrément de la vengeance. »
L’année suivante, le Québécois a purgé une autre peine d’incarcération, mais cette fois d’un an et demi. À sa sortie de prison, en septembre 2019, le juge lui a imposé de suivre une thérapie qui, tranquillement, l’a amené à réaliser
« tout le mal » qu’il a pu créer dans son entourage.
Mon message pour les hommes qui se retrouveraient dans ma situation, c’est : allez chercher de l’aide. Que ce soit avec des groupes d’aide ou un psychologue privé, il y en a, du soutien. Il faut juste aller sonner aux bonnes portes.
Patrick
« Être violent fait souffrir bien des gens, et les traces que ça laisse sont immenses. J’en ai aujourd’hui
pour des années à rebâtir ma famille », affirme-t-il.
Se faire connaître et développer les projets
Coordonnateur intérimaire au Service d’aide aux conjoints, l’avocat et médiateur familial Stéphane Bisson est bien placé pour témoigner des obstacles qui se dressent devant les organismes venant en aide aux hommes violents. « On est tous dans la même situation. Les listes d’attente s’allongent, alors que les besoins sont très présents. Plus de financement nous aiderait à avoir accès à plus de professionnels, comme des psychologues, mais aussi à faire de la rétention de personnel. C’est difficile d’offrir les mêmes salaires
et les mêmes conditions à tout le monde actuellement », fait-il valoir.
Selon M. Bisson, l’attribution de subventions additionnelles permettrait aussi à son organisme de concrétiser des projets d’accompagnement à la cour ou encore d’instaurer d’autres points de service, notamment dans l’ouest et dans l’est de l’île de Montréal.
« L’aspect formation des intervenants serait aussi bonifié », dit-il.
Le fait qu’il y ait eu autant de féminicides depuis le début de l’année démontre qu’il y a un problème de société, soutient l’avocat. « Il faut faire de la sensibilisation auprès des plus jeunes, et ça rejoint notre mission, qui est souvent méconnue,
par ailleurs. On doit nous faire connaître », conclut-il.
La situation fait craindre une « série noire » de féminicides et d’épisodes de violence conjugale aux maisons d’hébergement pour femmes, qui appréhendent que le déconfinement empire les choses. « Nous avons de grandes préoccupations par rapport à des escalades de violence conjugale à mesure que les consignes sanitaires seront levées et que le partenaire perdra le contrôle sur sa victime », expliquait récemment Claudine Thibaudeau, travailleuse sociale et responsable du soutien clinique chez SOS violence conjugale.
Dans la métropole, le centre d’intervention PRO-GAM est du même avis. « On devrait avoir un projet mobilisateur pour les hommes à Montréal. Il n’y a aucune structure rassembleuse pour faire de l’hébergement ou de la thérapie sur place. Si on ne change pas le comportement des hommes, ça ne réglera pas le problème », affirme le président du conseil d’administration, Guy Jolicœur.
Québec et Ottawa devraient nous financer davantage. On le fait pour la toxicomanie, pourquoi est-ce qu’on ne le fait pas pour la violence conjugale ? Si on ouvrait les yeux, on pourrait faire quelque chose de vraiment intéressant.
Guy Jolicœur, président du conseil d’administration de PRO-GAM
Au cabinet de la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, on indique que les « organismes venant en aide aux hommes avec des comportements violents font partie intégrante de la lutte contre la violence conjugale ». « Nous saluons le courage des hommes qui vont chercher de l’aide et nous invitons tous les hommes à faire une introspection sur le sujet », écrit l’attachée de presse Alice Bergeron.
« Nous l’avons répété plusieurs fois : nous continuons nos actions et nous allons mettre
les moyens nécessaires pour protéger les femmes », ajoute-t-elle.
Sonner aux bonnes portes
En 2016, après une séparation, Patrick est vite devenu harcelant envers son ex-conjointe. « C’était principalement verbal en ce qui me concerne, mais je disais des choses assez dures, assez crues. Il y a aussi eu des menaces de suicide de ma part. La mère de mes enfants s’est mise à avoir une peur bleue de moi. Et cette peur, je l’exploitais pour avoir ce que je voulais, dont la garde des enfants »,
explique l’homme de 47 ans, qui est père de trois enfants.
Son ex-conjointe a peu après porté plainte à la police, ce qui a mené à son arrestation et à son incarcération. « J’ai passé sept mois derrière les barreaux la première fois et, malgré ça, j’ai continué à la harceler. Je ne comprenais pas le message, relate le principal intéressé. Avec le recul, je comprends que cette deuxième vague était très ciblée. C’était carrément de la vengeance. »
L’année suivante, le Québécois a purgé une autre peine d’incarcération, mais cette fois d’un an et demi. À sa sortie de prison, en septembre 2019, le juge lui a imposé de suivre une thérapie qui, tranquillement, l’a amené à réaliser
« tout le mal » qu’il a pu créer dans son entourage.
Mon message pour les hommes qui se retrouveraient dans ma situation, c’est : allez chercher de l’aide. Que ce soit avec des groupes d’aide ou un psychologue privé, il y en a, du soutien. Il faut juste aller sonner aux bonnes portes.
Patrick
« Être violent fait souffrir bien des gens, et les traces que ça laisse sont immenses. J’en ai aujourd’hui
pour des années à rebâtir ma famille », affirme-t-il.
Se faire connaître et développer les projets
Coordonnateur intérimaire au Service d’aide aux conjoints, l’avocat et médiateur familial Stéphane Bisson est bien placé pour témoigner des obstacles qui se dressent devant les organismes venant en aide aux hommes violents. « On est tous dans la même situation. Les listes d’attente s’allongent, alors que les besoins sont très présents. Plus de financement nous aiderait à avoir accès à plus de professionnels, comme des psychologues, mais aussi à faire de la rétention de personnel. C’est difficile d’offrir les mêmes salaires
et les mêmes conditions à tout le monde actuellement », fait-il valoir.
Selon M. Bisson, l’attribution de subventions additionnelles permettrait aussi à son organisme de concrétiser des projets d’accompagnement à la cour ou encore d’instaurer d’autres points de service, notamment dans l’ouest et dans l’est de l’île de Montréal.
« L’aspect formation des intervenants serait aussi bonifié », dit-il.
Le fait qu’il y ait eu autant de féminicides depuis le début de l’année démontre qu’il y a un problème de société, soutient l’avocat. « Il faut faire de la sensibilisation auprès des plus jeunes, et ça rejoint notre mission, qui est souvent méconnue,
par ailleurs. On doit nous faire connaître », conclut-il.
La situation fait craindre une « série noire » de féminicides et d’épisodes de violence conjugale aux maisons d’hébergement pour femmes, qui appréhendent que le déconfinement empire les choses. « Nous avons de grandes préoccupations par rapport à des escalades de violence conjugale à mesure que les consignes sanitaires seront levées et que le partenaire perdra le contrôle sur sa victime », expliquait récemment Claudine Thibaudeau, travailleuse sociale et responsable du soutien clinique chez SOS violence conjugale.
Henri Ouellette-Vézina
La Presse
https://www.lapresse.ca/actualites/2021-03-28/des-centres-d-aide-aux-hommes-violents-en-manque-de-moyens.php
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