La religion n’a jamais été une affaire
aussi privée au Québec !
Les lieux de culte sont fermés, et leur réouverture est prévue dans les « phases ultérieures » du déconfinement.
Entretemps, des Églises prennent le virage techno. Et redéfinissent le concept de communauté.
Entretemps, des Églises prennent le virage techno. Et redéfinissent le concept de communauté.
Pour des millions de chrétiens dans le monde la pratique religieuse en temps de confinement ne se fait plus dans un lieu de culte, mais seuls
à la maison, derrière un écran, par le truchement des réseaux sociaux. Or, tous les responsables religieux n’ont pas la même maîtrise du numérique, comme en témoigne la vidéo devenue virale d’un prêtre italien qui, utilisant son téléphone pour diffuser la messe en ligne,
en a activé par inadvertance les filtres Snapchat.
Si le confinement est une invitation à la créativité, il est également une menace pour les groupes religieux. En effet, les rassemblements sont
au cœur des pratiques rituelles et la proximité physique des autres croyants participe pleinement de l’expérience religieuse.
Sur un plan sociologique, ces manifestations forment le creuset du sentiment d’appartenance communautaire.
Cela fait près de 15 ans que je travaille sur le protestantisme évangélique en France et au Québec. Intéressé à l’origine par la géographie
des lieux de culte, j’en suis venu à réfléchir à la façon dont certaines Églises articulent deux modalités non exclusives de la vie communautaire, le virtuel et le présentiel, et favorisent les points de contact entre les deux.
Le défi auquel les groupes religieux se trouvent confrontés en ces temps de pandémie peut être ainsi formulé : comment assurer
des liens communautaires de façon à ne pas « perdre » de fidèles et quels sont les solutions techniques disponibles
pour inventer une forme de coprésence qui ne passe pas par la proximité physique ?
à la maison, derrière un écran, par le truchement des réseaux sociaux. Or, tous les responsables religieux n’ont pas la même maîtrise du numérique, comme en témoigne la vidéo devenue virale d’un prêtre italien qui, utilisant son téléphone pour diffuser la messe en ligne,
en a activé par inadvertance les filtres Snapchat.
Si le confinement est une invitation à la créativité, il est également une menace pour les groupes religieux. En effet, les rassemblements sont
au cœur des pratiques rituelles et la proximité physique des autres croyants participe pleinement de l’expérience religieuse.
Sur un plan sociologique, ces manifestations forment le creuset du sentiment d’appartenance communautaire.
Cela fait près de 15 ans que je travaille sur le protestantisme évangélique en France et au Québec. Intéressé à l’origine par la géographie
des lieux de culte, j’en suis venu à réfléchir à la façon dont certaines Églises articulent deux modalités non exclusives de la vie communautaire, le virtuel et le présentiel, et favorisent les points de contact entre les deux.
Le défi auquel les groupes religieux se trouvent confrontés en ces temps de pandémie peut être ainsi formulé : comment assurer
des liens communautaires de façon à ne pas « perdre » de fidèles et quels sont les solutions techniques disponibles
pour inventer une forme de coprésence qui ne passe pas par la proximité physique ?
Ces « technos » évangéliques
Cette double question peut être abordée par l’exemple de l’évangélisme, ce rameau issu de la réforme protestante, parfois qualifié
de « christianisme de conversion ». Des pasteurs évangéliques se sont d’ailleurs retrouvés récemment sur le devant de la scène médiatique lorsqu’ils ont ouvertement remis en question la dangerosité de la COVID-19 et la pertinence des mesures de confinement, mêlant considérations théologiques et politiques, comme l’a bien montré le professeur André Gagné, de l’Université Concordia.
Malgré tout, ce type de réactions ne représente que l’écume de la nébuleuse évangélique et laisse dans l’ombre les stratégies déployées
par l’immense majorité des Églises locales pour maintenir des liens forts au sein de leurs assemblées, dans le respect des dispositions gouvernementales. L’observation de ces stratégies est d’autant plus pertinente que les Églises évangéliques
n’ont pas attendu la crise de la COVID-19 pour effectuer leur virage numérique.
de « christianisme de conversion ». Des pasteurs évangéliques se sont d’ailleurs retrouvés récemment sur le devant de la scène médiatique lorsqu’ils ont ouvertement remis en question la dangerosité de la COVID-19 et la pertinence des mesures de confinement, mêlant considérations théologiques et politiques, comme l’a bien montré le professeur André Gagné, de l’Université Concordia.
Malgré tout, ce type de réactions ne représente que l’écume de la nébuleuse évangélique et laisse dans l’ombre les stratégies déployées
par l’immense majorité des Églises locales pour maintenir des liens forts au sein de leurs assemblées, dans le respect des dispositions gouvernementales. L’observation de ces stratégies est d’autant plus pertinente que les Églises évangéliques
n’ont pas attendu la crise de la COVID-19 pour effectuer leur virage numérique.
La diffusion de cultes en ligne, l’usage d’applications dédiées pour téléphones intelligents, et l’investissement des réseaux sociaux sont depuis plusieurs années le quotidien de nombreuses Églises, au point que des pasteurs sont guidés par l’idée que leurs Églises ne doivent plus reposer sur l’existence du lieu de culte, mais sur celle d’une communauté « tricotée serrée ». L’usage précoce d’Internet par les évangéliques n’est guère surprenant puisque, soucieux de convertir, ils ont su s’approprier dans l’histoire récente les différentes innovations techniques : que ce soit la radio ou la télévision avec l’émergence de la figure bien connue du « télévangéliste ».
Présence, gym et fraternité
Comme dans d’autres sociétés sécularisées, l’évangélisme connaît au Québec un dynamisme qui tranche avec l’idée d’un christianisme à bout de souffle. Au cours des dernières semaines, plusieurs Églises ont renforcé leur présence sur les réseaux sociaux,
mettant en pratique trois grands principes :
En premier lieu, la présence continue de l’Église, tout au long de la semaine. Il est hors de question de se contenter de diffuser
un culte le dimanche matin et, par la suite, de disparaître du quotidien des fidèles.
Au contraire, l’Église rappelle fréquemment sa présence et tout ce qu’elle est susceptible d’apporter aux individus,
apparaissant ainsi comme un point de référence incontournable. Sur la page Facebook de l’Église 21,
des activités sont proposées en direct à différentes heures de la journée tout au long de la semaine.
Présence, gym et fraternité
Comme dans d’autres sociétés sécularisées, l’évangélisme connaît au Québec un dynamisme qui tranche avec l’idée d’un christianisme à bout de souffle. Au cours des dernières semaines, plusieurs Églises ont renforcé leur présence sur les réseaux sociaux,
mettant en pratique trois grands principes :
En premier lieu, la présence continue de l’Église, tout au long de la semaine. Il est hors de question de se contenter de diffuser
un culte le dimanche matin et, par la suite, de disparaître du quotidien des fidèles.
Au contraire, l’Église rappelle fréquemment sa présence et tout ce qu’elle est susceptible d’apporter aux individus,
apparaissant ainsi comme un point de référence incontournable. Sur la page Facebook de l’Église 21,
des activités sont proposées en direct à différentes heures de la journée tout au long de la semaine.
De plus, l’Église ne propose pas que des contenus à caractère religieux. L’Église La Chapelle, par exemple, propose une séance de gym tonique à réaliser chez soi. Comme l’expliquent les auteurs du livre Le phénomène évangélique, une Église se présente comme un « milieu social » au sein duquel l’individu va trouver des réponses à ses différents besoins, qu’ils soient d’ordre religieux ou non.
L’ensemble des activités non religieuses offertes sont l’occasion pour les fidèles de conserver une sociabilité intracommunautaire
qui a des impacts sur le sentiment d’appartenance à l’Église, lié à l’intensité des relations entretenues avec les autres membres.Le troisième principe est la mise en avant de la fraternité et du contact humain, alors même que les rassemblements sont interdits.
L’ensemble des activités non religieuses offertes sont l’occasion pour les fidèles de conserver une sociabilité intracommunautaire
qui a des impacts sur le sentiment d’appartenance à l’Église, lié à l’intensité des relations entretenues avec les autres membres.Le troisième principe est la mise en avant de la fraternité et du contact humain, alors même que les rassemblements sont interdits.
Les captures d’écran des pages Facebook de l’Église sans frontières et de la Resurgent Church soulignent la place que les contacts physiques occupent dans nombre d’assemblées évangéliques. S’ils sont actuellement rendus impossibles, ils trouvent une autre avenue
dans des groupes « connexion » (Église sans frontières) ou des « Connect groups » (Resurgent Church),termes qui
nous ramènent de nouveau à la problématique fondamentale du lien social.
Ces trois grands principes sont au cœur des stratégies déployées par certaines Églises évangéliques
québécoises pour poursuivre leurs activités.
Cette vie communautaire intense ne doit pour autant pas être appréhendée comme une solution temporaire vouée à disparaître.
L’expérience inédite et radicale imposée par la pandémie aura sans doute des impacts durables sur la définition même
de la communauté religieuse et sur les modes d’articulation du présentiel et du virtuel.
dans des groupes « connexion » (Église sans frontières) ou des « Connect groups » (Resurgent Church),termes qui
nous ramènent de nouveau à la problématique fondamentale du lien social.
Ces trois grands principes sont au cœur des stratégies déployées par certaines Églises évangéliques
québécoises pour poursuivre leurs activités.
Cette vie communautaire intense ne doit pour autant pas être appréhendée comme une solution temporaire vouée à disparaître.
L’expérience inédite et radicale imposée par la pandémie aura sans doute des impacts durables sur la définition même
de la communauté religieuse et sur les modes d’articulation du présentiel et du virtuel.