Le suicide est un faux choix
CHRONIQUE / «Mon fils n’a pas choisi de mourir. Son cerveau était en cavale avec des hauts et des bas
et la prise d’antidépresseurs a augmenté ces fluctuations dangereuses.»
et la prise d’antidépresseurs a augmenté ces fluctuations dangereuses.»
Le gars de Marlène Gauthier, Olivier, avait 19 ans.
Il en aurait 26.
Depuis, Marlène mène une charge à fond de train pour que le Québec s’attaque sérieusement à la neuvième cause de décès au pays. Chaque année, un peu plus de 1000 Québécois s’enlèvent la vie, presque 30 000 passent proche, et la grande majorité a demandé de l’aide avant.
C’est sur cette aide qu’il faut travailler.
D’abord, la sensibilisation. Sur son site www.olipourlavie.com, Marlène fait une comparaison frappante, le budget de sensibilisation de la Société d’assurance automobile du Québec a été de 6 millions $ en 2017, et celui pour la prévention du suicide en 2016… de 35 000 $.
Trois fois moins de personnes meurent sur la route.
L’autre point, et ça devrait être en place depuis longtemps, c’est l’accès rapide aux services, le mot rapide est le plus important. Encore faut-il que les professionnels de la santé mentale prennent au sérieux les signaux d’alarme de ceux qui frappent à leur porte, ce qui n’est pas toujours le cas.
À force de tourner en rond entre les portes tournantes, certains finissent par ne plus venir y frapper.
Il faut changer ça.
Dans le magazine Time du 4 novembre, un reportage est consacré aux solutions pour contrer le suicide, non seulement elles existent, mais en plus elles sont simples. Et, quand on les applique, elles font une énorme différence.
Le Time donne l’exemple du Henry Ford Health System à Détroit, qui s’est fixé en 2001 l’objectif d’atteindre zéro suicide — oui, oui, zéro —, objectif atteint huit ans plus tard. Après deux ans, le taux de suicide avait déjà chuté de 75 %, en instaurant notamment un protocole serré tout de suite après une hospitalisation, sachant que cette période est une des plus critiques.
Marlène insiste aussi sur l’importance que tout le monde soit dans le coup, que les professionnels de la santé en parlent aux proches. «Environ 80 % des personnes [qui ont des idées suicidaires] consultent et la plupart des psychologues ne contactent pas quelqu’un, ce qui va à l’encontre de leur code de déontologie. Et, comme les proches, le personnel infirmier est une ressource qui est trop souvent ignorée.»
L’idée est de faire un triangle de soins avec la personne, les soignants et les proches, comme une trithérapie pour la santé mentale.
Et le point de départ est souvent le cabinet. «Les survivants disent souvent : “C’est un psychiatre ou un médecin qui m’a sauvé de justesse après qu’on m’ait promené des mois dans le système.”»
Qui a mis le pied dans la porte tournante.
En théorie, cette collaboration devrait déjà être la norme. «On en parle au Québec depuis 1990. Il y a quelques cliniciens et quelques CIUSSS qui ont intégré cette pratique, mais c’est loin d’être le cas partout. Comme le disait la stratégie [d’action face au suicide], des protocoles et des normes de soins intégrés doivent être mis en place. Et respectés. […] Mais ici au Québec, la plupart ne suit ni les plans d’action en santé mentale ni les directives,
et il n’y a pas d'évaluation et de suivi.»
Le Protecteur du Citoyen a d’ailleurs blâmé en septembre une intervenante d’un centre jeunesse à qui une jeune fille s’était confiée avant de commettre l’irréparable. Personne n’a été mis au courant, même pas son père, qui a découvert que sa fille avait des idées suicidaires dans une lettre qu’il a trouvée. «D’autres personnes-ressources auraient dû être avisées. Cela n’a pas été fait», a tranché le Protecteur.
On aurait pu court-circuiter ses plans funestes, soutient Marlène. «Il est prouvé que lorsqu’on sort la personne de ses pensées quand elle s'apprête commettre un acte, ses pensées actives se calment. Mais, il est certain que c’est temporaire et que des pensées suicidaires intenses sont le signe d’une maladie qui doit être bien diagnostiquée et soignée adéquatement.»
Le rôle des proches, quand ils sont mis au courant, est d’être à l’écoute, tendre la main, ou une perche.
Cela peut faire toute la différence, comme l’avait d’ailleurs écrit Hélène*, cette professionnelle de la santé frappée par la dépression dont je vous ai parlé lundi. Dans un message qu’elle a écrit à ses proches, elle disait ceci : «Sachez aussi que la détresse diminue lorsqu’elle est nommée et entendue. Si un proche vous inquiète, osez poser des questions, oser l’inviter pour un café. Car même s’il refuse [il le fera sûrement], il lui restera l’espoir de savoir qu’il y a une porte d’ouverte pour lui s’il change d’idée. Quand la souffrance nous étouffe, l’espoir, même petit,
est parfois suffisant pour donner le courage d’avancer encore.»
Le suicide est un geste fatal.
Pas une fatalité.
* Nom fictif
Vous avez besoin d'aide? 1-866-APPELLE (277-3553)
Il en aurait 26.
Depuis, Marlène mène une charge à fond de train pour que le Québec s’attaque sérieusement à la neuvième cause de décès au pays. Chaque année, un peu plus de 1000 Québécois s’enlèvent la vie, presque 30 000 passent proche, et la grande majorité a demandé de l’aide avant.
C’est sur cette aide qu’il faut travailler.
D’abord, la sensibilisation. Sur son site www.olipourlavie.com, Marlène fait une comparaison frappante, le budget de sensibilisation de la Société d’assurance automobile du Québec a été de 6 millions $ en 2017, et celui pour la prévention du suicide en 2016… de 35 000 $.
Trois fois moins de personnes meurent sur la route.
L’autre point, et ça devrait être en place depuis longtemps, c’est l’accès rapide aux services, le mot rapide est le plus important. Encore faut-il que les professionnels de la santé mentale prennent au sérieux les signaux d’alarme de ceux qui frappent à leur porte, ce qui n’est pas toujours le cas.
À force de tourner en rond entre les portes tournantes, certains finissent par ne plus venir y frapper.
Il faut changer ça.
Dans le magazine Time du 4 novembre, un reportage est consacré aux solutions pour contrer le suicide, non seulement elles existent, mais en plus elles sont simples. Et, quand on les applique, elles font une énorme différence.
Le Time donne l’exemple du Henry Ford Health System à Détroit, qui s’est fixé en 2001 l’objectif d’atteindre zéro suicide — oui, oui, zéro —, objectif atteint huit ans plus tard. Après deux ans, le taux de suicide avait déjà chuté de 75 %, en instaurant notamment un protocole serré tout de suite après une hospitalisation, sachant que cette période est une des plus critiques.
Marlène insiste aussi sur l’importance que tout le monde soit dans le coup, que les professionnels de la santé en parlent aux proches. «Environ 80 % des personnes [qui ont des idées suicidaires] consultent et la plupart des psychologues ne contactent pas quelqu’un, ce qui va à l’encontre de leur code de déontologie. Et, comme les proches, le personnel infirmier est une ressource qui est trop souvent ignorée.»
L’idée est de faire un triangle de soins avec la personne, les soignants et les proches, comme une trithérapie pour la santé mentale.
Et le point de départ est souvent le cabinet. «Les survivants disent souvent : “C’est un psychiatre ou un médecin qui m’a sauvé de justesse après qu’on m’ait promené des mois dans le système.”»
Qui a mis le pied dans la porte tournante.
En théorie, cette collaboration devrait déjà être la norme. «On en parle au Québec depuis 1990. Il y a quelques cliniciens et quelques CIUSSS qui ont intégré cette pratique, mais c’est loin d’être le cas partout. Comme le disait la stratégie [d’action face au suicide], des protocoles et des normes de soins intégrés doivent être mis en place. Et respectés. […] Mais ici au Québec, la plupart ne suit ni les plans d’action en santé mentale ni les directives,
et il n’y a pas d'évaluation et de suivi.»
Le Protecteur du Citoyen a d’ailleurs blâmé en septembre une intervenante d’un centre jeunesse à qui une jeune fille s’était confiée avant de commettre l’irréparable. Personne n’a été mis au courant, même pas son père, qui a découvert que sa fille avait des idées suicidaires dans une lettre qu’il a trouvée. «D’autres personnes-ressources auraient dû être avisées. Cela n’a pas été fait», a tranché le Protecteur.
On aurait pu court-circuiter ses plans funestes, soutient Marlène. «Il est prouvé que lorsqu’on sort la personne de ses pensées quand elle s'apprête commettre un acte, ses pensées actives se calment. Mais, il est certain que c’est temporaire et que des pensées suicidaires intenses sont le signe d’une maladie qui doit être bien diagnostiquée et soignée adéquatement.»
Le rôle des proches, quand ils sont mis au courant, est d’être à l’écoute, tendre la main, ou une perche.
Cela peut faire toute la différence, comme l’avait d’ailleurs écrit Hélène*, cette professionnelle de la santé frappée par la dépression dont je vous ai parlé lundi. Dans un message qu’elle a écrit à ses proches, elle disait ceci : «Sachez aussi que la détresse diminue lorsqu’elle est nommée et entendue. Si un proche vous inquiète, osez poser des questions, oser l’inviter pour un café. Car même s’il refuse [il le fera sûrement], il lui restera l’espoir de savoir qu’il y a une porte d’ouverte pour lui s’il change d’idée. Quand la souffrance nous étouffe, l’espoir, même petit,
est parfois suffisant pour donner le courage d’avancer encore.»
Le suicide est un geste fatal.
Pas une fatalité.
* Nom fictif
Vous avez besoin d'aide? 1-866-APPELLE (277-3553)