Encore beaucoup à faire pour aider les victimes
TORONTO — Des décennies se sont écoulées depuis les années 1980. À l’époque, Kelly Tallon Franklin était prise contre son gré dans le monde de la traite des personnes. Même si elle s’en est sortie, elle doit encore vivre avec le trouble de stress post-traumatique (TSPT).
- *Avertissement: cet article contient des témoignages et des informations qui pourraient choquer certaines personnes.
Elle soutient que les expériences de celles qu’elle appuie aujourd’hui continuent de refléter ses propres luttes, notamment en ce qui concerne «les dettes, la responsabilité financière forcée et la fraude».
«Je peux vous dire qu’il est très difficile de vivre avec ça. Mais j’y ai survécu. Je n’aurais pas dû avoir à y survivre. Ça a presque ruiné ma vie, puisque j’étais sur une trajectoire postsecondaire. Quand j’ai commencé ce processus de sûreté et de sécurité, j’ai eu quelqu’un qui est entré par effraction chez moi, a pris mon argent, menaçant violemment de prendre mon fils et de ruiner ma vie, ce qui m’a empêché de poursuivre mes études. Mais c’est pourquoi je le dis à tous ceux qui veulent l’entendre. Ça ne devrait pas arriver. Mais il y a beaucoup de choses avant cet événement qui n’auraient pas dû arriver.»
Pas juste dans les vuesJeudi, la députée d’Ottawa-Vanier Lucille Collard a déposé à Queen’s Park un projet de loi visant à modifier
la Loi ontarienne sur la prévention de la traite des personnes.
La députée aimerait que soit ajoutée dans la Loi une partie qui introduit le concept de dette contractée sous la contrainte.
La députée d’Ottawa-Vanier, Lucille Collard
Cette nouvelle disposition verrait à ce qu’une personne ayant survécu à la traite des personnes et qui tente de refaire sa vie n’ait pas à vivre le fardeau financier encouru pendant qu’elle en était victime.
Une personne qui a par exemple été forcée de payer pour une chambre d’hôtel ou le transport vers celle-ci ne devrait pas avoir à rembourser ces frais puisqu’ils ont été contractés sous la contrainte, juge Lucille Collard.
Cette dernière avoue avoir les larmes aux yeux en se remémorant les discussions qu’elle a eues avec des survivantes. «Moi, j’ai trois filles, et de savoir que ça se passe dans nos écoles présentement, et que ça a lieu depuis longtemps et qu’on permet que ça continue de se passer, pour moi, c’est aberrant. [...] On pense que ça existe juste dans les vues, que c’est juste de la fiction,
mais on réalise que c’est réel, que c’est proche de nous.»
États-Unis: l’exemple à suivre? À Washington DC, le Congrès américain a approuvé la Debt Bondage Repair Act (Loi sur la réparation
de la servitude pour les dettes), en décembre dernier.
Cette jeune loi, initiée par une survivante, est très similaire à celle qu’a présentée Mme Collard aux élus
de l’Assemblée législative de l’Ontario cette semaine.
La conseillère juridique au National Center on Sexual Exploitation (Centre national sur l’exploitation sexuelle) Pansy Watson est d’avis que ce type de réglementation devrait être instauré partout en Amérique du Nord, et à travers le monde.
«Quand une personne est victime de trafic sexuel, elle est exploitée de multiples façons, non seulement parce qu’elles sont traitées comme des objets et achetées et vendues, mais aussi parce que leur nom est exploité de façon financière. En créant cette loi, on reconnaît que l’exploitation d’une personne ne devrait pas continuer à les hanter après qu’elle ait essayé de se sortir de cette vie. La loi reconnaît aussi l’importance d’avoir un bon crédit dans notre société, tant pour l’achat immobilier, mais aussi pour l’obtention d’un emploi.»
Pansy Watson affirme que même si cette idée est une solution simple, elle offre aux survivantes un impact «immense».
Une première loi en 2017«Je conviens qu’il faut envisager une mesure supplémentaire en matière d’allégement de la dette, constate Kelly Tallon Franklin. Personnellement, ce n’est qu’à l’âge de presque 50 ans que j’ai pu rembourser intégralement cette dette étudiante forcée qui m’a suivie pendant des décennies. Je n’ai jamais pu retourner à l’école parce que l’argent que j’ai reçu a initialement payé une partie de ma scolarité, mais le reste est allé à quelqu’un qui me contrôlait et qui me contraignait à créer un accord de prêt étudiant qui, à toutes fins utiles, était contraint frauduleusement par un trafiquant.»
Or, avant de se pencher sur la question des dettes, il faut s’assurer que les services les plus essentiels et pressants soient mis en place pour les survivantes, et en fonction de leurs besoins, juge-t-elle.
C’est d’ailleurs ce qu’avait en tête la députée progressiste-conservatrice Laurie Scott en 2016, alors membre de l’opposition, lorsqu’elle a déposé son projet de loi, intitulé Sauver la fille d’à côté.
Ce projet de loi faisait en sorte que l’on considère, pour la première fois de l’histoire de l’Ontario, la traite d’une personne comme un délit.
«Fondamentalement, il a été conçu pour signaler le début d’une longue série de discussions qui devaient avoir lieu sur le trafic sexuel humain, qui est, vous savez, l’esclavage des temps modernes. Et c’était pour lancer la discussion afin de sensibiliser.»
Laurie Scott a appris des survivantes consultées que le côté éducatif est essentiel, tant au sein de la population que chez les forces de l’ordre et au sein même du gouvernement.
En 2017, son initiative a pris le nom de Loi ontarienne sur la prévention de la traite des personnes.
Le gouvernement Ford est très proactif face au soutien des survivants de la traite des être humains, soutient Kelly Tallon Franklin.
En 2020, la province a annoncé qu’elle injectait des centaines de millions de dollars dans le cadre de sa
«stratégie globale de lutte contre la traite des personnes».
Ces fonds ont permis d’appuyer des services destinés au soutien des victimes à travers la province, de renforcer les mesures de collecte d’information au sein du système correctionnel et de financer des équipes d’intervention spécialisées
comprenant les services de police et de protection de l’enfance.
***
Si vous êtes en danger, appelez le 911 ou si quelqu’un que vous connaissez a besoin de soutien ou si vous voulez signaler un cas potentiel, appelez la Ligne d’urgence contre la traite des personnes : 1 833 900-1010. C’est un service confidentiel, gratuit et disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Une personne qui a par exemple été forcée de payer pour une chambre d’hôtel ou le transport vers celle-ci ne devrait pas avoir à rembourser ces frais puisqu’ils ont été contractés sous la contrainte, juge Lucille Collard.
Cette dernière avoue avoir les larmes aux yeux en se remémorant les discussions qu’elle a eues avec des survivantes. «Moi, j’ai trois filles, et de savoir que ça se passe dans nos écoles présentement, et que ça a lieu depuis longtemps et qu’on permet que ça continue de se passer, pour moi, c’est aberrant. [...] On pense que ça existe juste dans les vues, que c’est juste de la fiction,
mais on réalise que c’est réel, que c’est proche de nous.»
États-Unis: l’exemple à suivre? À Washington DC, le Congrès américain a approuvé la Debt Bondage Repair Act (Loi sur la réparation
de la servitude pour les dettes), en décembre dernier.
Cette jeune loi, initiée par une survivante, est très similaire à celle qu’a présentée Mme Collard aux élus
de l’Assemblée législative de l’Ontario cette semaine.
La conseillère juridique au National Center on Sexual Exploitation (Centre national sur l’exploitation sexuelle) Pansy Watson est d’avis que ce type de réglementation devrait être instauré partout en Amérique du Nord, et à travers le monde.
«Quand une personne est victime de trafic sexuel, elle est exploitée de multiples façons, non seulement parce qu’elles sont traitées comme des objets et achetées et vendues, mais aussi parce que leur nom est exploité de façon financière. En créant cette loi, on reconnaît que l’exploitation d’une personne ne devrait pas continuer à les hanter après qu’elle ait essayé de se sortir de cette vie. La loi reconnaît aussi l’importance d’avoir un bon crédit dans notre société, tant pour l’achat immobilier, mais aussi pour l’obtention d’un emploi.»
Pansy Watson affirme que même si cette idée est une solution simple, elle offre aux survivantes un impact «immense».
Une première loi en 2017«Je conviens qu’il faut envisager une mesure supplémentaire en matière d’allégement de la dette, constate Kelly Tallon Franklin. Personnellement, ce n’est qu’à l’âge de presque 50 ans que j’ai pu rembourser intégralement cette dette étudiante forcée qui m’a suivie pendant des décennies. Je n’ai jamais pu retourner à l’école parce que l’argent que j’ai reçu a initialement payé une partie de ma scolarité, mais le reste est allé à quelqu’un qui me contrôlait et qui me contraignait à créer un accord de prêt étudiant qui, à toutes fins utiles, était contraint frauduleusement par un trafiquant.»
Or, avant de se pencher sur la question des dettes, il faut s’assurer que les services les plus essentiels et pressants soient mis en place pour les survivantes, et en fonction de leurs besoins, juge-t-elle.
C’est d’ailleurs ce qu’avait en tête la députée progressiste-conservatrice Laurie Scott en 2016, alors membre de l’opposition, lorsqu’elle a déposé son projet de loi, intitulé Sauver la fille d’à côté.
Ce projet de loi faisait en sorte que l’on considère, pour la première fois de l’histoire de l’Ontario, la traite d’une personne comme un délit.
«Fondamentalement, il a été conçu pour signaler le début d’une longue série de discussions qui devaient avoir lieu sur le trafic sexuel humain, qui est, vous savez, l’esclavage des temps modernes. Et c’était pour lancer la discussion afin de sensibiliser.»
Laurie Scott a appris des survivantes consultées que le côté éducatif est essentiel, tant au sein de la population que chez les forces de l’ordre et au sein même du gouvernement.
En 2017, son initiative a pris le nom de Loi ontarienne sur la prévention de la traite des personnes.
Le gouvernement Ford est très proactif face au soutien des survivants de la traite des être humains, soutient Kelly Tallon Franklin.
En 2020, la province a annoncé qu’elle injectait des centaines de millions de dollars dans le cadre de sa
«stratégie globale de lutte contre la traite des personnes».
Ces fonds ont permis d’appuyer des services destinés au soutien des victimes à travers la province, de renforcer les mesures de collecte d’information au sein du système correctionnel et de financer des équipes d’intervention spécialisées
comprenant les services de police et de protection de l’enfance.
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Si vous êtes en danger, appelez le 911 ou si quelqu’un que vous connaissez a besoin de soutien ou si vous voulez signaler un cas potentiel, appelez la Ligne d’urgence contre la traite des personnes : 1 833 900-1010. C’est un service confidentiel, gratuit et disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
ÉMILIE PELLETIER
Initiative de journalisme local — Le Droit
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