«The First Omen»:
l’accouchement diabolique de Disney
Avec le film The First Omen (La malédiction, le commencement), Disney, le studio familial par excellence, s’éloigne un brin de son image de marque. De fait, ce drame d’horreur contient une scène d’accouchement à connotation diabolique assez explicite qui a failli valoir au film une interdiction aux moins de 17 ans aux États-Unis. Lors d’un entretien exclusif, la réalisatrice et coscénariste Arkasha Stevenson s’étonne encore de la latitude dont elle a joui pour cet antépisode du classique horrifique The Omen (La malédiction), énorme succès de 1976 contant l’avènement de l’antéchrist. Campé en 1971, ce film-ci imagine la genèse de cette infâme conception.
« Un vagin dans un film de Disney ! » s’exclame la jeune cinéaste, comme surprise par sa propre déclaration.
Techniquement, The First Omen, qui relate la descente aux enfers d’une jeune novice mêlée contre son gré à une sombre machination visant la venue au monde du fils du Malin, a été produit par 20th Century Studios, comme The Omen, ses trois suites et le remake de 2006. Or, Disney est à présent propriétaire de la bannière.
Quoi qu’il en soit, cette séquence montrant une naissance pas tout à fait humaine est vouée à devenir emblématique. D’ailleurs, depuis la sortie de The Exorcist (L’exorciste), en 1973, aucun film d’horreur issu d’un grand studio hollywoodien, sauf erreur, n’était allé aussi loin dans l’imagerie crue (par opposition aux productions indépendantes, traditionnellement beaucoup moins frileuses).
Et tout comme on cite d’emblée certains passages célèbres lorsqu’on évoque The Exorcist, comme la scène du crucifix, on reviendra à l’accouchement démoniaque au moment de parler de The First Omen. L’imaginaire est frappé.
« Il y a eu des discussions entre les producteurs, le studio et moi, parce que nous étions parfaitement conscients d’aborder des sujets délicats », admet Arkasha Stevenson. « Dans le film, il est entre autres question de reproduction forcée — et plus généralement du corps de la femme, ne l’oublions pas. En même temps, tout le monde m’appuyait, et tout le monde avait envie de repousser les limites,
parce que c’est dans l’ADN du film original. »
Des thèmes à soiDe fait, The Omen fit couler beaucoup d’encre, notamment avec ses mises à mort élaborées, et toutes arrangées dans l’intrigue non pas avec le proverbial gars des vues, mais avec Lucifer.
À ce chapitre, Arkasha Stevenson fait d’ingénieux clins d’oeil à deux de ces trépas notoires. Pour autant, la réalisatrice développe sa propre vision ainsi que ses propres thèmes. « Je voulais entre autres aborder la place des femmes au sein de l’Église catholique. Je voulais montrer comment, dans un contexte religieux dominé par les hommes, où les femmes sont oppressées, même celles semblant détenir un peu d’autorité, ça favorise des dérives. Les femmes peuvent se retourner les unes contre les autres, faute d’autonomie et d’autodétermination. Le corps des femmes est souvent traité comme de la viande. Avoir ces personnages de religieuses et de prêtres, et camper l’action dans un orphelinat qui n’accueille que des filles, c’était voulu. Je voulais montrer comment ces petites filles sont conditionnées
très tôt à être vulnérables et malléables. »
Comme The Omen, The Exorcist, The Nun (La religieuse) ou le récent Immaculate (Immaculée),
The First Omen s’inscrit dans le sous-genre de l’horreur religieuse.
« La beauté de l’horreur religieuse, c’est qu’on y subvertit des figures supposément bienveillantes. Dès notre jeune âge, on nous enseigne que la religion, les prêtres, les religieuses et tout ça, c’est quelque chose de bienfaisant. Mais quand on s’aperçoit que, non, pas forcément, que ça peut aussi être malfaisant, ça vient nous ébranler très fort. Parce que c’est comme une trahison de l’innocence de l’enfant crédule qu’on a été. On comprend alors qu’on ne peut se fier à une chose en laquelle on avait une absolue confiance.
Quand on travaille dans l’horreur, c’est très porteur. »
Parlant de travailler dans l’horreur, ce projet d’antépisode longtemps en développement fut proposé à Arkasha Stevenson après qu’elle se fit un nom en réalisant divers épisodes de séries fantastiques et horrifiques éclatées, dont Channel Zero, Legion et Brand New Cherry Flavor.
« Mon coscénariste Tim Smith et moi étions au départ terrifiés à l’idée de toucher à The Omen, de peur de gâcher son legs : nous avons grandi en regardant ce film. Ce qui a changé la suite des choses, c’est que la première ébauche de scénario dont nous avons hérité mettait déjà en place, à la fin, certains éléments qui s’arrimaient de manière fluide au film de 1976. Et en même temps, ça nous laissait en amont tout cet espace narratif vierge, où on pouvait concevoir et explorer, avec en plus cette intéressante héroïne. »
Grandir avec l’horreurPour Arkasha Stevenson, ce cauchemar cinématographique débridé représente, en somme, la réalisation d’un vieux rêve. « Tim et moi sommes obsédés par le cinéma d’horreur. Pour ma part, j’ai grandi avec le cinéma d’horreur, mais sans avoir conscience que c’était inhabituel. J’ai vu The Exorcist et The Shining à 7 ans… Pour moi, c’était juste comme observer des gens dans la télévision, sans que ce soit associé à un genre en particulier. Ç’a nourri mon imaginaire. Plus tard, j’ai compris mon affinité avec ce genre, au contact
de films qui se sont avérés déterminants dans mon développement. »
Une autre façon de « grandir » avec le cinéma d’horreur…
« Je vois ton t-shirt de Possession, d’Andrei Żuławski, avec Isabelle Adjani : je ne peux pas ne pas te parler de ce film ! C’est celui qui m’a fait prendre conscience qu’à travers le cinéma d’horreur, je pouvais exprimer des choses que je n’arrivais
pas à formuler en mots dans la vie », confie la cinéaste.
À ce propos, Arkasha Stevenson a eu les coudées franches pour un très audacieux hommage au radical film culte Possession. On n’en divulgâchera pas la teneur, sinon pour préciser que, là encore, le film va très loin pour une production hollywoodienne. De réitérer Arkasha Stevenson, ravie à raison : « Un vagin ET un hommage à Żuławski dans un film de Disney, vous y croyez !? »
Pas besoin d’avoir la foi pour répondre par l’affirmative. Quant à savoir si The First Omen parviendra à ressusciter l’auguste saga, l’avenir le dira. Souhaitons toutefois que l’audace d’Arkasha Stevenson et, oui, celle de Disney soient récompensées.
Le film The First Omen prend l’affiche le 5 avril.
« Un vagin dans un film de Disney ! » s’exclame la jeune cinéaste, comme surprise par sa propre déclaration.
Techniquement, The First Omen, qui relate la descente aux enfers d’une jeune novice mêlée contre son gré à une sombre machination visant la venue au monde du fils du Malin, a été produit par 20th Century Studios, comme The Omen, ses trois suites et le remake de 2006. Or, Disney est à présent propriétaire de la bannière.
Quoi qu’il en soit, cette séquence montrant une naissance pas tout à fait humaine est vouée à devenir emblématique. D’ailleurs, depuis la sortie de The Exorcist (L’exorciste), en 1973, aucun film d’horreur issu d’un grand studio hollywoodien, sauf erreur, n’était allé aussi loin dans l’imagerie crue (par opposition aux productions indépendantes, traditionnellement beaucoup moins frileuses).
Et tout comme on cite d’emblée certains passages célèbres lorsqu’on évoque The Exorcist, comme la scène du crucifix, on reviendra à l’accouchement démoniaque au moment de parler de The First Omen. L’imaginaire est frappé.
« Il y a eu des discussions entre les producteurs, le studio et moi, parce que nous étions parfaitement conscients d’aborder des sujets délicats », admet Arkasha Stevenson. « Dans le film, il est entre autres question de reproduction forcée — et plus généralement du corps de la femme, ne l’oublions pas. En même temps, tout le monde m’appuyait, et tout le monde avait envie de repousser les limites,
parce que c’est dans l’ADN du film original. »
Des thèmes à soiDe fait, The Omen fit couler beaucoup d’encre, notamment avec ses mises à mort élaborées, et toutes arrangées dans l’intrigue non pas avec le proverbial gars des vues, mais avec Lucifer.
À ce chapitre, Arkasha Stevenson fait d’ingénieux clins d’oeil à deux de ces trépas notoires. Pour autant, la réalisatrice développe sa propre vision ainsi que ses propres thèmes. « Je voulais entre autres aborder la place des femmes au sein de l’Église catholique. Je voulais montrer comment, dans un contexte religieux dominé par les hommes, où les femmes sont oppressées, même celles semblant détenir un peu d’autorité, ça favorise des dérives. Les femmes peuvent se retourner les unes contre les autres, faute d’autonomie et d’autodétermination. Le corps des femmes est souvent traité comme de la viande. Avoir ces personnages de religieuses et de prêtres, et camper l’action dans un orphelinat qui n’accueille que des filles, c’était voulu. Je voulais montrer comment ces petites filles sont conditionnées
très tôt à être vulnérables et malléables. »
Comme The Omen, The Exorcist, The Nun (La religieuse) ou le récent Immaculate (Immaculée),
The First Omen s’inscrit dans le sous-genre de l’horreur religieuse.
« La beauté de l’horreur religieuse, c’est qu’on y subvertit des figures supposément bienveillantes. Dès notre jeune âge, on nous enseigne que la religion, les prêtres, les religieuses et tout ça, c’est quelque chose de bienfaisant. Mais quand on s’aperçoit que, non, pas forcément, que ça peut aussi être malfaisant, ça vient nous ébranler très fort. Parce que c’est comme une trahison de l’innocence de l’enfant crédule qu’on a été. On comprend alors qu’on ne peut se fier à une chose en laquelle on avait une absolue confiance.
Quand on travaille dans l’horreur, c’est très porteur. »
Parlant de travailler dans l’horreur, ce projet d’antépisode longtemps en développement fut proposé à Arkasha Stevenson après qu’elle se fit un nom en réalisant divers épisodes de séries fantastiques et horrifiques éclatées, dont Channel Zero, Legion et Brand New Cherry Flavor.
« Mon coscénariste Tim Smith et moi étions au départ terrifiés à l’idée de toucher à The Omen, de peur de gâcher son legs : nous avons grandi en regardant ce film. Ce qui a changé la suite des choses, c’est que la première ébauche de scénario dont nous avons hérité mettait déjà en place, à la fin, certains éléments qui s’arrimaient de manière fluide au film de 1976. Et en même temps, ça nous laissait en amont tout cet espace narratif vierge, où on pouvait concevoir et explorer, avec en plus cette intéressante héroïne. »
Grandir avec l’horreurPour Arkasha Stevenson, ce cauchemar cinématographique débridé représente, en somme, la réalisation d’un vieux rêve. « Tim et moi sommes obsédés par le cinéma d’horreur. Pour ma part, j’ai grandi avec le cinéma d’horreur, mais sans avoir conscience que c’était inhabituel. J’ai vu The Exorcist et The Shining à 7 ans… Pour moi, c’était juste comme observer des gens dans la télévision, sans que ce soit associé à un genre en particulier. Ç’a nourri mon imaginaire. Plus tard, j’ai compris mon affinité avec ce genre, au contact
de films qui se sont avérés déterminants dans mon développement. »
Une autre façon de « grandir » avec le cinéma d’horreur…
« Je vois ton t-shirt de Possession, d’Andrei Żuławski, avec Isabelle Adjani : je ne peux pas ne pas te parler de ce film ! C’est celui qui m’a fait prendre conscience qu’à travers le cinéma d’horreur, je pouvais exprimer des choses que je n’arrivais
pas à formuler en mots dans la vie », confie la cinéaste.
À ce propos, Arkasha Stevenson a eu les coudées franches pour un très audacieux hommage au radical film culte Possession. On n’en divulgâchera pas la teneur, sinon pour préciser que, là encore, le film va très loin pour une production hollywoodienne. De réitérer Arkasha Stevenson, ravie à raison : « Un vagin ET un hommage à Żuławski dans un film de Disney, vous y croyez !? »
Pas besoin d’avoir la foi pour répondre par l’affirmative. Quant à savoir si The First Omen parviendra à ressusciter l’auguste saga, l’avenir le dira. Souhaitons toutefois que l’audace d’Arkasha Stevenson et, oui, celle de Disney soient récompensées.
Le film The First Omen prend l’affiche le 5 avril.