Une nouvelle division de la Cour du Québec pour mieux soutenir les plaignantes
Le ministre de la Justice veut un tribunal spécialisé en violence sexuelle et conjugale. La Cour du Québec crée plutôt une nouvelle division et réorganise les activités judiciaires afin de mieux soutenir les plaignantes.
Avant l’étude du projet de loi du gouvernement Legault sur le tribunal spécialisé, la Cour du Québec faisait connaître mardi sa réponse au rapport Rebâtir la confiance, sur les réformes nécessaires afin d’améliorer l’accompagnement des victimes.
La division des Accusations dans un Contexte Conjugal et Sexuel (ACCES), qui sera en place dès le début de 2022, ne porte pas le nom de «tribunal spécialisé» pour plusieurs raisons, explique la juge en chef Lucie Rondeau, en entrevue au Soleil.
Le «tribunal spécialisé en violence conjugale et sexuelle», c’est une expression que la Cour du Québec ne retient pas, parce que ça laisse croire au public, à tort, que les juges, vont appliquer le droit différemment alors qu’ils ne peuvent pas, indique la juge en chef. C’est aussi une expression qui présume que l’allégation de violence est fondée. Ça porte atteinte, à mon avis, à notre obligation de neutralité et d’impartialité.»
La division des Accusations dans un Contexte Conjugal et Sexuel (ACCES), qui sera en place dès le début de 2022, ne porte pas le nom de «tribunal spécialisé» pour plusieurs raisons, explique la juge en chef Lucie Rondeau, en entrevue au Soleil.
Le «tribunal spécialisé en violence conjugale et sexuelle», c’est une expression que la Cour du Québec ne retient pas, parce que ça laisse croire au public, à tort, que les juges, vont appliquer le droit différemment alors qu’ils ne peuvent pas, indique la juge en chef. C’est aussi une expression qui présume que l’allégation de violence est fondée. Ça porte atteinte, à mon avis, à notre obligation de neutralité et d’impartialité.»
La division ACCES regroupera dans une même séance judiciaire, donc la même journée et dans la même salle, toutes les causes portant sur des infractions de violence conjugale ou de crimes sexuels.
Chaque région décidera du nombre de séances et du nombre de salles d’audience nécessaires en fonction du volume de dossiers.
La Cour du Québec a bon espoir qu’en réorganisant les activités judiciaires, elle facilitera le travail des organismes qui accompagnent les plaignantes tout au long du processus et les communications entre tous.
«Ça va permettre aux intervenantes de sauver du temps et de mieux se concentrer sur leur rôle d’accompagner,
d’informer», indique Mme Rondeau.
Les dossiers de violence conjugale et les crimes sexuels feront aussi l’objet d’une gestion plus systématique de la part de la magistrature. Lors de ces séances de gestion, les juges s’informent de l’avancement du dossier, fixent l’agenda, essaient d’aplanir les difficultés.
Ce suivi plus serré pourrait réduire les délais, espère la Cour du Québec. «C’est susceptible de faire ça, avance prudemment la juge Rondeau. Mais je ne peux pas l’affirmer de façon catégorique car tout ne dépend pas des interventions du juge.»
La juge en chef ne voudrait pas que le public croit que la Cour du Québec traitera pour autant les dossiers ACCES de manière prioritaire aux autres. «Il n’y a pas que dans les matières d’infractions conjugales ou les crimes sexuels où des victimes ont des besoins, rappelle-t-elle. Pensons à une famille détruite par un chauffard, à une fraude importante, à une séquestration.»
160 juges en rotation
Pour l’instant, la création de la division ACCES se fait à même les ressources existantes. «Mais ça va probablement exiger des ressources supplémentaires pour la magistrature», prévoit la juge en chef.
Les 160 juges de la chambre criminelle de la Cour du Québec seront assignés en rotation aux dossiers de la division ACCES.
Pas question d’affecter une équipe de juges dédiés strictement aux causes de violence conjugale ou aux agressions sexuels. «Ce n’est pas la recommandation du rapport Rebâtir la confiance, fait remarquer la juge en chef Rondeau. C’est important de varier le type de dossiers pour maintenir l’équilibre personnel du juge et c’est essentiel d’avoir des assignations diversifiées et équilibrées entre les juges pour partager cette lourde charge de travail qui est celle des juges.»
Déjà spécialisés
Dans son projet de loi 92, le ministre de la Justice du Québec met l’accent sur la formation des juges appelés à entendre les causes de crimes sexuels ou de violence conjugale.
La juge en chef Rondeau se dit «plus que confiante» en la formation acquise en continu par ses juges, l
ors d'une dizaine de journées de libération annuelles.
Les juges reçoivent des formations sur les règles de droit, mais aussi sur les réalités sociales. Récemment, le programme de formation couvrait des thèmes tels l’impact de l’actualité sur l’intervention auprès des victimes d’agressions sexuelles, les vulnérabilités sociales chez les jeunes adultes LBGTQ, les différences culturelles, religieuses et leurs impacts et la gestion d’instance des infractions en matière conjugale. «Les juges sont formés et avec le volume de dossiers de ce type-là qu’ils font déjà, on peut dire qu’ils sont spécialisés», estime Mme Rondeau.
Plusieurs plaignantes ont décrit sur différentes tribunes à quel point elles avaient trouvé le processus judiciaire pénible, notamment leur contre-interrogatoire par l’avocat de l’accusé.
Le contre-interrogatoire des plaignantes restera toujours une chose difficile, tout comme l’est le contre-interrogatoire de l’accusé, croit la juge en chef. «La division ACCES ne changera pas ça, convient-elle. Mais si les plaignantes sont mieux accompagnées, si les policiers sont formés de façon spécifique pour bien recueillir la déclaration, si les procureurs de la Couronne sont mieux formés pour pouvoir s’opposer à des questions qui pourraient être vexatoires et qui débordent le contre-interrogatoire, si tout ça est mis en place,
il se peut que pour la plaignante, ce soit moins éprouvant.»
Chaque région décidera du nombre de séances et du nombre de salles d’audience nécessaires en fonction du volume de dossiers.
La Cour du Québec a bon espoir qu’en réorganisant les activités judiciaires, elle facilitera le travail des organismes qui accompagnent les plaignantes tout au long du processus et les communications entre tous.
«Ça va permettre aux intervenantes de sauver du temps et de mieux se concentrer sur leur rôle d’accompagner,
d’informer», indique Mme Rondeau.
Les dossiers de violence conjugale et les crimes sexuels feront aussi l’objet d’une gestion plus systématique de la part de la magistrature. Lors de ces séances de gestion, les juges s’informent de l’avancement du dossier, fixent l’agenda, essaient d’aplanir les difficultés.
Ce suivi plus serré pourrait réduire les délais, espère la Cour du Québec. «C’est susceptible de faire ça, avance prudemment la juge Rondeau. Mais je ne peux pas l’affirmer de façon catégorique car tout ne dépend pas des interventions du juge.»
La juge en chef ne voudrait pas que le public croit que la Cour du Québec traitera pour autant les dossiers ACCES de manière prioritaire aux autres. «Il n’y a pas que dans les matières d’infractions conjugales ou les crimes sexuels où des victimes ont des besoins, rappelle-t-elle. Pensons à une famille détruite par un chauffard, à une fraude importante, à une séquestration.»
160 juges en rotation
Pour l’instant, la création de la division ACCES se fait à même les ressources existantes. «Mais ça va probablement exiger des ressources supplémentaires pour la magistrature», prévoit la juge en chef.
Les 160 juges de la chambre criminelle de la Cour du Québec seront assignés en rotation aux dossiers de la division ACCES.
Pas question d’affecter une équipe de juges dédiés strictement aux causes de violence conjugale ou aux agressions sexuels. «Ce n’est pas la recommandation du rapport Rebâtir la confiance, fait remarquer la juge en chef Rondeau. C’est important de varier le type de dossiers pour maintenir l’équilibre personnel du juge et c’est essentiel d’avoir des assignations diversifiées et équilibrées entre les juges pour partager cette lourde charge de travail qui est celle des juges.»
Déjà spécialisés
Dans son projet de loi 92, le ministre de la Justice du Québec met l’accent sur la formation des juges appelés à entendre les causes de crimes sexuels ou de violence conjugale.
La juge en chef Rondeau se dit «plus que confiante» en la formation acquise en continu par ses juges, l
ors d'une dizaine de journées de libération annuelles.
Les juges reçoivent des formations sur les règles de droit, mais aussi sur les réalités sociales. Récemment, le programme de formation couvrait des thèmes tels l’impact de l’actualité sur l’intervention auprès des victimes d’agressions sexuelles, les vulnérabilités sociales chez les jeunes adultes LBGTQ, les différences culturelles, religieuses et leurs impacts et la gestion d’instance des infractions en matière conjugale. «Les juges sont formés et avec le volume de dossiers de ce type-là qu’ils font déjà, on peut dire qu’ils sont spécialisés», estime Mme Rondeau.
Plusieurs plaignantes ont décrit sur différentes tribunes à quel point elles avaient trouvé le processus judiciaire pénible, notamment leur contre-interrogatoire par l’avocat de l’accusé.
Le contre-interrogatoire des plaignantes restera toujours une chose difficile, tout comme l’est le contre-interrogatoire de l’accusé, croit la juge en chef. «La division ACCES ne changera pas ça, convient-elle. Mais si les plaignantes sont mieux accompagnées, si les policiers sont formés de façon spécifique pour bien recueillir la déclaration, si les procureurs de la Couronne sont mieux formés pour pouvoir s’opposer à des questions qui pourraient être vexatoires et qui débordent le contre-interrogatoire, si tout ça est mis en place,
il se peut que pour la plaignante, ce soit moins éprouvant.»
ISABELLE MATHIEU
Le Soleil
https://www.lesoleil.com/actualite/justice-et-faits-divers/une-nouvelle-division-de-la-cour-du-quebec-pour-mieux-soutenir-les-plaignantes-6bc4a170b04ab5ef68df21a7528c1850?utm_source=omerlo&utm_medium=mailer&utm_campaign=Le+r%C3%A9sum%C3%A9+du+soir+%3A+Le+tunnel+Qu%C3%A9bec-L%C3%A9vis%2C+%C2%ABle+moins+pire+projet%C2%BB
Le Soleil
https://www.lesoleil.com/actualite/justice-et-faits-divers/une-nouvelle-division-de-la-cour-du-quebec-pour-mieux-soutenir-les-plaignantes-6bc4a170b04ab5ef68df21a7528c1850?utm_source=omerlo&utm_medium=mailer&utm_campaign=Le+r%C3%A9sum%C3%A9+du+soir+%3A+Le+tunnel+Qu%C3%A9bec-L%C3%A9vis%2C+%C2%ABle+moins+pire+projet%C2%BB